Le 13 avril 2012 j’écrivais mon premier message sur ce forum en proie à bien des vicissitudes avec l’alcool.
Dès lors, j’avais débuté un traitement avec le Baclofène après avoir obtenu la confiance de mon médecin généraliste grâce à la documentation fournie sur ce forum.
J’ai eu recours à une dose élevée de Baclofène avec des ordonnances qui allaient jusqu’à 280 mg par jour. Durant les phases les plus aiguës, il m’est arrivé à cette époque de grimper jusqu’à 320 mg.
Je l’ai décrit, ma relation à l’alcool avait été modifiée et les analyses de sang (GGT, CDT) révélaient des taux dans la norme à la fin de la même année. Pour autant, je n’ai jamais vraiment connu la délivrance, je ne l’ai jamais ressentie ni jamais vécue comme telle, ce que certains nomment l’indifférence, d’autres la guérison.
J’avais seulement appris à mieux gérer mes consommations, dompter mes envies irrépressibles de consommer de l’alcool grâce au Baclofène ; mais au prix d’effets secondaires importants il faut bien l’avouer (décharges électriques, acouphènes, endormissement partout et tout le temps, sommeil erratique). Ces mêmes effets qui m’ont peut-être poussé à interrompre complètement et rapidement le médicament après avoir repris le contrôle des consommations et m’estimer, à tort, hors de danger.
Pour autant, j’avais bien remporté une première bataille contre l’alcool et gagné une belle victoire qui me rendait ma fierté égarée.
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Au fil du temps, des épreuves, des rencontres, du stress et des différents éléments qui composent une vie, la consommation anarchique d’alcool a repris son lent et sinueux chemin, me rappelant malheureusement que la dépendance alcoolique est bel et bien présente. Je m’accordais alors de plus en plus d’entorses, à des doses de plus en plus importantes d’alcool et de manière de plus en plus régulière.
Je ne détaillerai pas ici le chemin et le parcours de la dépendance alcoolique que chacun connaît ô combien tristement, souvent douloureusement, toujours amèrement.
Le travail a toujours été un élément de protection important pour moi et un bouclier étanche contre mes envies d’alcool. Je n’ai jamais consommé pendant mes heures de travail, même si avec le recul je pense que certains matins j’arrivais avec de l’alcool dans le sang toujours présent, pas encore totalement à jeun de mes consommations de la veille. Et que le midi, je m’accordais parfois une, des fois deux bières pression au restaurant.
Le confinement lié à la COVID-19 m’a contraint au télétravail, comme des milliers de travailleurs, avec comme tout un chacun des sorties autorisées drastiques et limitées dans le temps et l’espace. Le phénomène de glissement a été sournois, intense, ravageur. J’ai alors consommé de l’alcool sans limitation, parfois dès le matin, alternant une boisson caféinée et un verre de vin peu de temps après le réveil. La sieste méridienne s’imposait à moi et marquait alors une pause, un moment de répit, un temps nécessaire à la récupération et à la poursuite de la journée.
Le déconfinement a été également une période tout aussi compliquée et difficile à gérer. Je ne pouvais plus consommer dès potron-minet, je devais me rendre sur mon lieu de travail en voiture et absorber une charge de travail intense à un rythme soutenu et inextinguible.
Dès mon retour le soir à la maison, pourtant épuisé, j’absorbais de grandes quantités d’’alcool pendant la soirée, comme pour rattraper le retard pris à prendre mon premier verre de la journée.
La semaine achevée à ce rythme, je passais mes week-end totalement alcoolisé, alternant les phases d’endormissement et les phases de consommation, et ce, plusieurs fois par jour et par nuit. Le cycle infernal des alcoolisations et des réalcoolisations se répétait invariablement, comme pour prendre de l’avance sur la semaine à venir où je devrais gérer la frustration et le manque.
J’ai pris conscience tardivement de la dangerosité de la situation, de la descente en pente raide que j’étais en train de dévaler à grande vitesse, et de la barre rocheuse qui était en contre-bas et dans laquelle j’allais inévitablement me fracasser si je ne déviais pas de ma trajectoire.
J’ai alors repris un traitement, cette fois avec du Baclorur - le nom commercial avait changé pour une question de prise en charge, toujours sur prescription de mon médecin généraliste qui m’a renouvelé sa confiance. J’ai de nouveau progressivement augmenté les doses sans l’once d’un changement perceptible ni de diminution des consommations d’alcool. Au contraire, la descente se poursuivait inexorablement, rapidement, de manière précise et certaine.
En parallèle, j’ai alors consulté un médecin alcoologue qui a poursuivi la prescription de Baclocur. Un anxiolytique a été introduit pour mieux appréhender le stress au travail et gérer plus facilement les phases anxieuses.
A 180 mg par jour de Baclocur, et sans l’ombre d’une amélioration d’aucune sorte, il est rapidement apparu inenvisageable, déraisonnable et irresponsable de poursuivre l’augmentation des doses ; je devais conduire sur des distances importantes et concilier ma vie professionnelle et la poursuite du traitement. Un arrêt de travail après un confinement aussi long que celui lié à la pandémie n’était pas non plus une option envisageable ou une carte à jouer après une absence aussi longue en présentiel.
Mais le corps a eu raison de l’esprit, ou l’inverse peut-être. Qui sait ?
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Un matin de fin de semaine, il me fut impossible de sortir du lit, après une ultime crise anxieuse qui semblait paroxystique et des pleurs incessants accompagnés de tremblements intenses et profonds. L’idée d’aller travailler, de devoir faire face à mes collègues et aux tâches à accomplir donnait lieu à un sentiment d’impuissance global, de désœuvrement sans fond, de dépréciation totale.
Il me fut aussi impossible de m’asseoir dans le lit, de me redresser, d’esquisser un mouvement sans ressentir des douleurs subaiguës dans le bas du dos qui irradiaient le corps entier.
Après une bonne heure à tenter de retrouver un semblant de calme, j’ai enfin pu prévenir de mon absence.
Je n’ai malheureusement pas pu joindre mon médecin généraliste. Le week-end qui a suivi n’a fait que confirmer et intensifier les symptômes qui venaient d’éclater au grand jour : des larmes, des tremblements, une anxiété profonde, une dévalorisation générale et grandissante, des douleurs lombaires invalidantes et persistantes.
Le point d’orgue fur l’apparition brutale d’idées sombres et macabres, l’installation d’une profonde tristesse, le dégoût profond de ce que j’étais devenu, puis maintenant l’impossibilité de faire face à mes responsabilités professionnelles.
J’ai pu rencontrer en urgence en médecin psychiatre en visioconférence qui a pris le temps du diagnostique pour m’annoncer ce que je savais déjà : une dépendance à l’alcool, un épuisement professionnel et un syndrome dépressif caractérisé. Un arrêt initial de travail de 15 jours m’a été prescrit avec instauration d’un traitement antidépresseur.
Peu de temps après, j’ai alors pris une décision qui m’est apparue comme un besoin, une absolue nécessité, un passage obligé. Ce que j’ai toujours refusé semblait s’imposer, à savoir une hospitalisation. D’une part, pour me protéger de moi-même et mettre à distance le produit alcool. Il fallait absolument imaginer que je pouvais survivre et puis finalement vivre sans prise de boisson alcoolisée, même une seule journée. Seul, j’en étais incapable et il m’était devenu impossible de passer une seule journée sans consommer de l’alcool. Aucune dose de Baclocur n’aurait pu à ce moment-là m’extirper de la maladie et me venir en aide, fut-ce telle très élevée.
L’obsession pour l’alcool était chevillée au corps et à l’esprit. J’étais devenu totalement entravé par le produit, asservi à l’alcool.
Le médecin alcoologue, bien que réticent à l’hospitalisation dans mon cas, s’est résolu à faire droit à ma demande. Nous avons alors envisagé une hospitalisation de 5 jours dans le service pour s’assurer d’un sevrage physique en sécurité, en milieu hospitalier, et faire une rupture totale avec le produit et mes routines quotidiennes.
On m’a fait alors visiter les lieux, le service, les espaces collectifs, l’hébergement et présenté à l’équipe présente ce jour-là .
J’avais alors 3 jours devant moi pour anticiper mon séjour, me préparer à l’idée d’un sevrage que j’ai choisi et réunir quelques affaires. 3 jours durant lesquels j’ai pu me projeter dans la structure qui m’avait été précédemment présentée.
Pendant ce cours laps de temps, le médecin m’a demandé de poursuivre le traitement de Baclocur de manière inchangée, soit 180 mg/jour.
C’était un lundi à 10h00 que j’ai franchi les portes du service, cette fois-ci non plus pour une consultation externe mais pour une courte hospitalisation. Rapidement toutes mes craintes se sont estompées et aucune des représentations que je j’avais d’une cure, d’un sevrage, d’une hospitalisation ne s’est révélée exacte.
Dès le premier jour, le traitement de Baclocur a été abaissé à 140 mg concomitamment à la prise d’un Valium 3 fois par jour.
J’ai vécu ces 5 jours comme une délivrance, un moment pour moi et à moi, une période nécessaire, un sas de décompression après avoir frôlé la décompensation. La seule chose qui m’était imposée était de prendre mes repas en collectif et mon traitement à l’infirmerie à heure fixe. Le reste du temps, j’étais libre de me reposer dans ma chambre, de regarder la télévision dans l’espace collectif, d’aller discuter avec les équipes soignantes ou de participer aux diverses activités (randonnées, aquagymn, remise en forme, hypnose, sophrologie, ateliers de préparation à la sortie, de perfectionnement du sommeil, etc. ).
Évidemment en 5 jours, je n’ai pas pu tout faire, mais je me suis employé à remplir mes journées par tout ce qui me procurait de la détente, du plaisir ou du divertissement.
Je n’ai jamais ressenti le moindre manque physique ou psychique d’alcool grâce à une prise en charge optimale : médicamenteuse, humaine et professionnelle, thérapeutique et bienveillante.
D’autres copains d’infortune avaient besoin d’une hospitalisation plus longue et/ou d’une postcure.
J’ai donc quitté le service après avoir accepté de prolonger mon arrêt de travail et poursuivre les activités proposées sous le régime de l’« hôpital de jour ». Je pouvais choisir librement les activités et les consultations dont j’avais besoin. Ce fut une bonne transition après le retour à domicile pour rythmer les journées et consolider les acquis.
J’ai pris une autre décision, celle de poursuivre mon abstinence à l’alcool, aidé par une béquille sur laquelle je peux désormais m’appuyer : le Baclocur. Désormais, j’arrivais enfin à prendre des décisions, ce que je ne savais plus faire de manière éclairée et indépendante.
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Depuis l’hospitalisation, je n’ai pas retouché d’alcool sauf de manière très ponctuelle, exceptionnelle et seulement un fond de verre pour goûter du vin, et seulement le goûter. Je n’ai plus d’envie irrésistible et irrépressible de boire, je me sens libre, et finalement indifférent au produit.
Boire de l’alcool n’est tout simplement plus un sport favori, une passion dévorante et débordante, un puits sans fond, le creuset du désespoir et surtout plus l’abîme de toute ma vie. J’apprécie la sobriété désormais.
Bien sûr, je reste prudent, attentif à mes pensées ou à mes émotions et veille ne pas oublier le Baclocur. Parfois, survient une courte pensée d’alcool, principalement le soir lorsque je suis seul : s’agit-il d’une envie, d’une réminiscence, d’une nostalgie, d’une pensée, d’un désir ?
Je ne saurais le dire, le décrire, l’écrire mais c’est facile de prendre le dessus et de chasser vertement cette image.
Je n’évite aucune situation dite à risque car finalement je me rends compte que toutes les situations peuvent être prétexte à la consommation. L’alcool est présent partout, à tous les niveaux, dans toutes les couches de la société, à toutes les occasions et s’en procurer est d’une facilité déconcertante. Je n’ai pas non plus changer mes fréquentations ou modifier les lieux dans lesquels j’avais pour habitude de me rendre. Je me découvre un goût immodéré pour de nouvelles boissons ou cocktails sans alcool.
J’ai dû repenser mon quotidien, conscient que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Désormais , je m’accorde beaucoup plus de temps de bien-être durant lesquels je pars marcher au grand air, j’écoute de la musique, je me plonge dans la lecture, ou fait des exercice de respiration, de musculation, de méditation. Je me suis découvert une appétence pour la cuisine. Pendant que je prépare les repas, je suis concentré à la tâche et les quelques ruminations ou pensées indésirables s’effacent. L’atelier cuisine à la maison peut s’avérer thérapeutique !
Mon teint de peau a changé, mon visage s’est affiné ; il s’est éclairé. J’ai peu à peu réussi à m’affranchir des anxiolytiques. Après un changement d’antidépresseurs par 3 fois, j’ai désormais un traitement efficace, que je supporte bien et je poursuis le Baclocur.
Après 9 mois d’abstinence à l’alcool, je prends actuellement 120 mg de Baclocur par jour, sans aucun effet secondaire, répartis en 3 prises identiques et à heure fixe. J’ai trouvé mon rythme et le bon dosage pour ressentir durablement l’indifférence, la délivrance, l’indépendance. Le médecin me laisse toute latitude pour surfer entre 100 et 140 mg par jour.
Je le disais précédemment, je reste prudent, tel que je le suis aujourd’hui encore avec la cigarette. J’étais un gros consommateur de cigarettes blondes, 3 paquets par jour.
Je viens de fêter mes 10 ans d’abstinence au tabac, ayant fait le choix de ne plus retoucher une seule cigarette.
J’ai refait ce même choix de l’abstinence pour l’alcool avec l’aide du Bablocur.
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Le bilan est plus que jamais positif en ce 21 mai 2023 : je suis, sevré, indifférent, abstinent, libéré de l’alcool et du tabac. En même temps, je suis prudent et vigilant.
J’ai eu de la chance de pouvoir compter tout à la fois sur mon médecin généraliste, le médecin addictologue et le médecin psychiatre qui continuent tous 3 de me suivre aujourd’hui.
Il faut savoir se donner le temps pour mûrir sa décision, s’affranchir du produit et surmonter les épreuves et les difficultés sans alcoolisation. Il ne faut pas non plus négliger sa convalescence pour mettre en place de nouvelles habitudes de vie, s’habituer à vivre différemment, savoir s’écouter pour finalement se retrouver.
Personnellement j’ai pu m’appuyer sur un étayage de professionnels de la santé bienveillants et aguerris. J’ai trouvé la solution qui me convenait le mieux, celle qui était le plus confortable pour moi. Elle n’est ni un modèle ni un exemple à suivre.
Je tenais simplement à vous la partager.
Message édité 4 fois, dernière édition par Addict', 01 Juin 2023, 12:56