Bonsoir Vall, et bonsoir à tout le monde,
Comme promis, un petit mot pour de petites nouvelles. "Faites vous-même votre malheur" : le titre de l'ouvrage de Paul Watzlawick aurait été préférable à la platitude de l'intitulé de mon fil : " A l'aide". A priori, rien ne me prédispose à demander de l’aide. Enfance dans une famille nombreuse, certes mais pas de manque apparent, en tout cas. De l’amour plein les yeux de la part de mes parents, pas de confort matériel superflu mais pas de carence, pas de manque. Des études plutôt réussies – un doctorat, un poste d’enseignant-chercheur dans la foulée – un Prix de l’Académie française (je ne vous dis pas lequel, sinon, je serais immédiatement démasqué) ; une famille restreinte adorable : mon épouse et mon fils sont d’une gentillesse telle que je ne crois pas les mériter, vraiment. Pas plus que je ne mérite notre étoile, Végas, notre petit chaton de trois mois. Deux salaires de fonctionnaires à la maison et pourtant… « La chute » d’Albert Camus ; la chute d’un avocat alcoolique.
Une chance. Un médecin formidable qui me surprotège, merci Viva. Jamais la moindre remontrance, le moindre jugement de valeur ; qui me reçoit à n’importe quelle heure, qui m’a donné son numéro de téléphone portable, qui m’envoie par mail des articles concernant le Baclofène, qui me demande systématiquement mon avis quant à la poso, à qui je raconte mes vacances, qui me raconte les siennes, qui me garde entre 25 et 45 minutes en consultation, au grand dam de mes camarades d’infortune qui attendent. Bref, où est le problème ? Le malheur, c’est que je n’en sais rien ! Glissement d’une consommation festive à un alcoolisme avéré, sans pour autant m’handicaper sévèrement dans ma vie quotidienne. J’y ai perdu du peps et de la force de travail qui était naguère impressionnante. Des soirées de lecture et d’écriture jusqu’à 2 ou 3 heures du matin.
La gifle. Toronto 2009 : sur le prestigieux campus universitaire, à la grande périphérie de la ville, pas une goutte de whisky sur le site. Toute honte bue, j’ai commandé un taxi et lorsque le chauffeur m’a demandé où je voulais me rendre, je lui ai répondu « I am looking for a spirit store ». Il m’y a conduit et je lui ai demandé de m’attendre pour me raccompagner au Campus. De retour dans ma chambre, j’ai pris la gifle de ma vie : je venais de découvrir de façon incontestable ma dépendance et le déni n’était plus possible. Le prix de la course en taxi était trois fois supérieur à la bouteille de whisky en dollars canadiens.
La réaction. J’ai franchi le pas, cet été, en engageant une démarche de soin. Avec une incroyable facilité je trouve donc un médecin grâce à qui vous savez, il me reçoit le surlendemain de mon appel téléphonique, me conseille des pharmaciens avertis et avisés. Tout sans problème ou presque. Et depuis, Eurêka qui avait trouvé pas mal de choses est totalement perdu. J’ai du Baclo plein les tiroirs … et je le prends de façon complètement anarchique 3 cp par ci, zéro par là ; le tout en fonction de mes impératifs professionnels. Zéro pointé, sur toute la ligne. Comment pourriez-vous m’aider ?
En dépit de mon parcours, je me sens nullissime, vraiment ! Vall, toi qui a le don de dispenser du peps à tout le monde et à vous autres, amis du Forum : dites-moi comment aider un nul ? C’est comme si toute la bienveillance qui m’entoure était néfaste. C’est triste et affligeant.
Aujourd’hui. J’éprouve du dépit et du découragement ; un sentiment de gâchis aussi même si je continue à mener ma barque. J’ai à nouveau le sentiment de vivre à mi-temps. Matin : peps d’enfer alors qu’après-midi rime avec zombie.
Ma poso théorique (et ce n’est pas un vain mot) est la suivante : 130 mg répartis comme suit :
- 30 Ã 9h
- 30 Ã 12 h
- 40 Ã 15 h
- 30 Ã 19 h
Je vais essayer de me relancer dans la mesure où à partir de la semaine prochaine, je n’aurai plus de cours durant presque un mois.
J’ai deux autres chances considérables. Une bienveillance (peut-être même trop grande) à la maison. La seconde : lire des paroles neuves et fraternelles sur notre Forum.
Des bises tout plein à toutes et à tous... et quelques larmes aussi. Désolé.
Eurêka
"L'homme qui déplace une montagne commence par déplacer les petites pierres"
Confucius