Yves, le Pr Dautzenberg a peu de morale mais il est soucieux de sa réputation. Il a retourné sa veste et a même avoué ses conflits d'intérêts avec de nombreux laboratoires pharmaceutiques. Chacun a son prix sur cette terre d'oubli, le sien est plutôt bas finalement.
Sa position sur la règlementation dans les lieux publics et l'interdiction aux mineurs est une tartufferie. Le véritable problème c'est de tolérer que des enfants fument des cigarettes tabac sur la voie publique. Qu"ils" règlent celui-là avant de s'attaquer au suivant.
J'ai lu le rapport (souvent en travers, hein, il fait 200 pages) désormais connu sous son nom, en voici quelques extraits choisis par moi. Il va de soi que les conclusions purement techniques et sanitaires contenues dans ce rapport sont à mettre en balance avec d'autres études publiées auparavant. Quand même, il est loin d'être aussi alarmant qu'on ne pouvait le craindre, bien qu'une bonne partie des auteurs aient fait part de leurs conflits d'intérêts plus ou moins poussés avec des laboratoires pharmaceutiques (à lire dans le préambule, c'est hilarant).
J'ai surligné en
vert et
rouge certains points
favorables et
défavorables et j'ai ajouté
en bleu quelques commentaires perso.
Bonne lecture et vos réactions ci-après s'il vous en dit.
2.1 Quels sont les risques de l’e-cigarette et de la « vapeur » ?
Actuellement, on n’en connaît pas suffisamment sur ces produits. Le manque d’études et de recul invite à mettre ceux-ci sous surveillance, qui pourrait être réduite avec l’accumulation des données.
Les e-cigarettes peuvent en théorie poser des problèmes sanitaires du fait de l’e-liquide :
- qui peut se répandre et entrer en contact avec la peau,
- qui peut être ingéré, en particulier par un jeune enfant,et de la « vapeur » :
- qui peut provoquer ou entretenir une
dépendance à la nicotine,
dépendance contestable et contestée
- qui peut exercer certains effets sans délai.
Les risques des e-liquides sont liés avant tout à des produits de mauvaise qualité, de mauvais choix des composants des e-liquides, de mauvaises manipulations, comme ce peut être le cas par exemple en laissant le produit à portée des jeunes enfants.
L’e-cigarette, bien fabriquée et bien utilisée est en elle-même un produit qui présente des dangers infiniment moindre que la cigarette, mais les dangers ne sont pas totalement absents.
Le principal danger intrinsèque de l’e-cigarette est lié à la dépendance à la nicotine contenue, mais la forme du produit et sa gestuelle sont aussi des facteurs qui pourraient contribuer à entretenir la dépendance.
2.3.1 Quelles sont les différences d’effets attendues de la « vapeur » d’e-cigarette par rapport à la fumée de cigarette ?
Sur le plan théorique :
- L’absence de cancérogène connu à des taux significatifs dans les e-liquides (alors que plus de 60 cancérogènes sont identifiés dans la fumée du tabac dont 11 classés cancérogènes catégorie 1 par le CIRC74) laisse à penser, en première approche, que la « vapeur » des e-cigarettes n’est pas directement cancérogène.
- L’absence de monoxyde de carbone (CO) dans cette « vapeur » et le taux normal de monoxyde de carbone trouvé dans l’air expiré des utilisateurs d’e-cigarette témoignent que cette dernière ne prive pas l’organisme d’oxygène comme le fait la cigarette et que les effets cardio-vasculaires, s’ils existent, devraient être donc moins importants.
- L’absence de particules solides à des taux significatifs dans la vapeur alors que chaque cigarette fumée produit plus d’1 milliard de particules solides submicroniques dans le courant primaire et 5 milliards de nanoparticules dans le courant secondaire.
Il est donc hautement vraisemblable que les effets cancérogènes, irritants pour les voies respiratoires et délétères pour le coeur, de ces micros et nanoparticules sont absents avec l’utilisation de l’e-cigarette.
Les produits irritants de la « vapeur » produite par les e-cigarettes sont différents de ceux de la cigarette. Cependant en dehors d’études spécifiques, il est difficile de faire des hypothèses sur la réduction ou non de l’irritation des voies aériennes supérieures et des bronches lors de l’utilisation d’e-cigarette .
Avec l’e-cigarette et la cigarette, la nicotine est délivrée rapidement ou très rapidement au cerveau. A priori les deux produits peuvent induire et entretenir une dépendance à la nicotine, mais si cela est bien prouvé pour la cigarette,
c’est encore seulement suspecté pour l’e-cigarette.
Il est clairement démontré que les cancérogènes sont responsables des cancers liés au tabagisme, que le monoxyde de carbone et les particules fines sont les deux vecteurs majeurs de la toxicité cardio-vasculaire de la fumée des cigarettes, que les particules solides jouent un rôle important dans la survenue de la BPCO.
Il est tout aussi démontré que ces trois produits n’existent pas à des taux significatifs dans la « vapeur » des e-cigarettes. Il est donc logique d’attendre une réduction de ces trois risques chez les fumeurs de tabac qui passent à l’ecigarette, mais ces faits restent à démontrer.
2.7.4 Quelle synthèse peut-on faire de la littérature sur le vapotage passif ?
Combien de temps persiste la pollution par les gouttelettes de l’e-cigarette ?
95% de la « vapeur » a disparu dans la minute, mais les gouttelettes se vaporisent en gaz qui persistent plus longtemps.
Combien de temps persiste la pollution par les gaz de la « vapeur » de l’e-cigarette ?
Il n’y a pas de données précises, mais les gaz issus de l’e-cigarette, des gouttelettes exhalées et de leur vaporisation persistent beaucoup plus longtemps que les gouttelettes visibles dans l’air d’un local clos.
Quelle est la nature de pollution par les gaz qui accompagnent les gouttelettes de « vapeur » ?
Ils ne contiennent pas de CO (monoxyde de carbone) mais de la nicotine sous forme gazeuse, de nombreux solvants et des produits irritants. La plupart du temps, ceux-ci sont également présents dans la fumée du tabac et le plus souvent à des concentrations bien plus fortes dans la fumée du tabac que dans la « vapeur » et dans les gaz qui persistent après la dissipation de ces gouttelettes.
Peut-on exclure la pollution par le CO, les cancérogènes et les particules en cas de vapotage passif ?
En absence de combustion, il n’y a aucune pollution par le CO. La mesure du CO expiré chez les très gros utilisateurs d’e-cigarette ou chez les sujets passivement exposés à l’aérosol ne retrouve aucune trace de CO.
(= "pas de fumée sans feu", on n'avait pas compris ...
)
Il n’y a aucune particule solide dans l’aérosol sauf dans le cas d’utilisation de mauvais matériel ou d’e-liquide très impropre. Les mesures de l’aérosol montrent sa dissipation complète qui, compte-tenu de la petite taille des gouttelettes, ne peut s’expliquer que par l’absence de particules solides.
De faibles traces de cancérogènes ont été trouvées dans des e-liquides, en particulier des traces de nitrosamine, cancérogène naturel du tabac dont la nicotine est extraite. Mais
les e-liquides actuels fabriqués avec la qualité USP et EurPh ne présentent que d’infimes traces et à des concentrations similaires de celles que l’on trouve dans certains médicaments de sevrage.
Quel est le passage de nicotine chez les sujets non-fumeurs exposés passivement au vapotage ?
La nicotine est retrouvée dans le sang et les urines des non-fumeurs non-vapoteurs exposés passivement au vapotage.
(Quels ont été les conditions exactes de ces constatations ? Durée, quantité de l'exposition ? C'est bien vague comme phrase) Dans trois études, les taux de nicotine semblent moins importants qu’avec une exposition au tabagisme passif, mais les études de vapotage passif ne sont pas standardisées et elles doivent être poursuivies.
(= En clair, ils ne savent pas.)
[Le 17 avril 2013, l’équipe de recherche du professeur Dautzenberg, à l’hôpital de la pitié Salpêtrière, a publié une étude intitulée "Comparaison de l’aérosol de la cigarette électronique à celui des cigarettes ordinaires et de la chicha". En voici le résumé rédigé par eux-mêmes:
L’étude expérimentale d’une cigarette électronique avec haute teneur en nicotine ou sans nicotine, a été réalisée sur l’aérosol liquide qu’elle produit lors de l’inhalation du fumeur. Les tailles des gouttelettes de cet aérosol ont été mesurées à l’aide d’un impacteur électrostatique à basse pression, ELPI, permettant d’établir une distribution des tailles en temps réel, de calculer la taille médiane, D50, et la dispersion, des gouttelettes. Les valeurs de D50 obtenues pour le courant principal C1, inhalé par le fumeur, étaient de 0,65 μm et 0,60 μm, avec et sans nicotine. Les probabilités de dépôt dans les voies respiratoires étaient donc d’environ 26 % pour le dépôt total et de 14 % dans les alvéoles. Pour le courant C3, expiré par le fumeur dans son environnement, le D50 était de 0,34 μm et 0,29 μm avec et sans nicotine. La demi-vie dans l’air du courant principal C1 était de 11 secondes car il disparaît en s’évaporant rapidement passant sous forme gazeuse. Par comparaison avec les cigarettes ordinaires et la chicha qui produisent un aérosol dont les particules ont une demi-vie de 19 à 20 minutes, il ne présente pas de risque réel de « tabagisme passif ».
C1(C= Courant)= Flux d'aérosol directement inhalé par le vapoteur (ou de fumée pour le fumeur).
[C2 = Flux émis par la cigarette allumée sans être fumée. Ce chiffre est nul pour la E-clope puisqu'elle n'émet d'aérosol que lorsqu'on appuie sur le switch pour vapoter.]
C3 = Flux exhalé par le vapoteur (ou le fumeur).
[C4 = C2 + C3]
Source: https://www.sciencedirect.com/...761842513000855]
Quels sont les risques respiratoires et cardiaques des non-fumeurs, non-vapoteurs exposés passivement à la « vapeur » ?
La seule étude disponible rapporte un effet respiratoire aigu de l’exposition à l’aérosol. La baisse non significative de 2,3% du VEMS observée est moins importante qu’avec la cigarette de tabac.
Là encore de nouvelles études s’imposent.
(Ce genre d'avoeu d'ignorance est une constante tout au long du rapport !) Une étude cardiologique ne montre qu’une légère augmentation de la pression diastolique sous exposition au vapotage passif.
Y a-t-il des sujets plus sensibles que d’autres à l’exposition au vapotage ?
Aucune étude ne permet actuellement de conclure à une différence de sensibilité individuelle à l’exposition à l’aérosol d’e-cigarette, mais cette éventualité est très probable que ce soit pour l’effet irritatif, mais surtout du fait de l’allergie possible à certains composés.
4.8.1 Quelles sont les hypothèses d’évolution de la réglementation des e-cigarettes en France et en Europe ?
L’hypothèse de l’interdiction totale
Cette hypothèse concevable il y a trois ans semble difficilement envisageable aujourd’hui du fait de la forte pénétration du produit dans notre pays. Dans les faits, l’e-cigarette est présente dans la plupart des pays même là où elle est interdite. La prohibition est a priori peu efficace (tout comme l’a été la prohibition de l’alcool aux États-Unis entre les deux guerres mondiales du XXe siècle).
L’hypothèse d’une réglementation comme produit du tabac
De rares pays ont plus ou moins réglementé l’e-cigarette au motif qu’elle était par certains de ses aspects assimilable à un produit du tabac. Malte, la Belgique et le Luxembourg appliquent à l’e-cigarette la législation du tabac (interdiction de l’utiliser là où il est interdit de fumer).
L’hypothèse d’un produit pharmaceutique
Par nature, pour l’arrêt du tabac, l’e-cigarette avec nicotine pourrait être considérée comme un médicament, mais encore faudrait-il qu’elle obtienne l’enregistrement comme médicament pour obtenir ce statut. Certains pays européens tels l’Autriche, ont décidé que ce statut était le seul possible pour l’e-cigarette contenant de la nicotine et l’ont interdit aussi longtemps qu’elle n’aurait pas d’AMM.
Cette hypothèse purement pharmaceutique aurait été envisageable à l’arrivée du produit il y a cinq ans ;
aujourd’hui, avec plus de
5 millions d’utilisateurs réguliers en Europe, son application serait difficile et incomplète. En 2016, date attendue de sa mise en place, elle fera immanquablement l’objet de détournement par les dizaines de millions de consommateurs d’e-cigarettes en Europe.
Toute réglementation de substance addictive doit être pragmatique et applicable.
L’hypothèse d’un produit de consommation courante
Cette hypothèse n’est clairement pas souhaitable pour tous les produits contenant de la nicotine, car il ne s’agit pas d’un produit de consommation courante. Les cigarettes, cartouches ou recharges sans nicotine posent un problème spécifique et pourraient ou non rester dans cette catégorie. Il est gênant de laisser les e-cigarettes et leurs e-liquides dans des classes de produits différentes en fonction de leur contenu en nicotine.
4.2.2 Quelles sont les négociations en cours sur l’article 18* du projet de directive européenne et les conséquences pour la France ?
* Qui prévoit notamment de limiter à 4mg/ml la nicotine dans nos e-liquides – voir plus haut sur ce fil.
Si le projet de réforme de la directive sur les produits du tabac (actuellement en cours de négociation par le Conseil de l’Europe et le Parlement européen sur proposition de la commission et plus particulièrement l’article 18 concernant l’e-cigarette) aboutit, il sera voté a priori en 2014 avant le renouvellement des institutions européennes et devra être implémenté en droit français deux ans plus tard soit en 2016. Il s’agit du processus habituel des institutions européennes.
La discussion se tient depuis le début de l’année 2013 au sein du Conseil de l’Europe entre les 27 États et au sein du Parlement européen. Les négociations se font sous une très forte pression des lobbies protabac des cigarettiers et des lobbies antitabac pour le coeur de la directive qui concerne directement le tabac. Les lobbies e-cigarette sont peu visibles car celle-ci n’est pas le coeur du débat.
En tout état de cause, conserver l’article 18 tel qu’il est est aboutit au passage sous réglement pharmaceutique de presque toutes les e-cigarettes avec nicotine. En effet, les taux limites de nicotine nécessitant de donner obligatoirement aux e-cigarettes le statut de médicament sont trop bas. Ils videraient totalement de son sens cet article qui ne concernera qu’une infime partie des e-cigarettes voire des produits qui n’existent pas et qui ne verront jamais le jour car dénués d’intérêt. Développer une législation complète pour des produits contenant de la nicotine (NCP)qui ne sont ni des produits du tabac ni des médicaments, avec des valeurs limites de nicotine sans intérêt pour le consommateur, introduit une contradiction au sein même de la directive que les juristes des lobbies du tabac pourraient exploiter pour la casser dans sa totalité si elle est votée. Il existe ainsi un risque que cet article 18 fasse au final capoter l’ensemble de la directive du fait de son incohérence interne.
Deux solutions peuvent être envisagées pour sortir de cette impasse :
- La voie de l’amendement du rapporteur au parlement : Linda Mac Avan ;
-
La suppression de l’article 18 de la directive. (Merci de cet éclair de lucidité Daudau !)
Intégralité du rapport sur l'e-cigarette téléchargeable ici:
Rapport sur la cigarette électronique - Par L'Office Français de Prévention du Tabagisme (OFT)