Bonjour Ă tous,
Les Louvettes sont de retour…
Difficile de parler des dernières semaines. Les posts de Loup y es-tu sont assez révélateurs de la tension qu’il y a pu avoir. On commence juste à comprendre ce qui se passe. Il faut dire aussi que les discussions avec Loup y es-tu sont rares, en dépit du temps qu’on a pu passer dans sa « tanière », les questions interdites et beaucoup de sujets tabou.
C’est dur de voir sa mère dans cet état. D’autant que ce n’est pas une personne « normale » ni une mère « normale ». Vous dites que vous, baclonautes qui la connaissez depuis peu, la trouvez « super ». En fait, elle n’est pas « super », elle est exceptionnelle. On l’a déjà un peu évoqué, mais c’est une personne incroyable, admirée par énormément de gens, dont nous, ses filles, et moi la première (enfin c’est moi qui écris alors j'ai le droit de dire que c’est moi ! J).
Une force de caractère hors du commun, un instinct infaillible pour ce qui est juste et bien, une intelligence brillante, une générosité et une disponibilité pour les autres que je n’ai retrouvées chez personne, un dynamisme et une santé de fer, un sens de la famille aigu, un amour pour les siens sans limite. Elle dégage une force qui entraîne, ses conseils sont précieux parce qu’elle est sage et réfléchie.
Tous nos amis sont fans de notre mère « Béné » qui les connait tous, les suit dans leurs vies respectives, depuis toujours.
Bref, on adore notre mère.
Si on a pu avoir des épisodes relous à l’adolescence, comme tous les ados, où on a pu un peu se disputer (et encore, elle savait tellement bien nous gérer que c’était rare), on ne connaît pas les rapports compliqués, les engueulades, les hausses de ton entre mère/filles, mais aussi entre sœurs. On décrit souvent notre famille comme hyper soudée sans qu’on soit les unes sur les autres, seulement là quand il faut et pour passer du bon temps ensemble. On est toutes attachées à notre « indépendance » si chère à Loup y es-tu, mais prenons énormément de plaisir à nous voir.
Tout ça pour dire qu’en principe, la communication ça marche plutôt bien chez nous. On ne peut pas dire que c’est le cas aujourd’hui. Toutes les 4, nous ne reconnaissons pas notre mère. Mais encore une fois, alors qu’elle indique être alcoolique depuis 10 ans, cela ne fait qu’un an que nous notons des signes bizarres, et que 4 mois que la situation est clairement préoccupante.
Je suis repartie le we dernier de chez elle, après m’être faite virer à plusieurs reprises, avec le livre d’Olivier Ameisen pour essayer de comprendre un peu ce qui se passait, dans la réalité et peut-être dans sa tête, à défaut de pouvoir en discuter directement avec elle. Je suis également repartie inquiète vu la situation, mais rassurée de voir que certaines choses avaient commencé à bouger. Je n’ouvrirai pas de débat sur le fait de savoir si l’échange musclé que j’ai eu avec Loup y es-tu en début de semaine dernière a été un élément déclencheur. En réalité, peu importe, le tout est qu’une avancée ait été faite. Je tiens à préciser cependant que je ne l’ai pas fait de gaieté de cœur, que ça a été difficile (pour nous deux), et que j’espère de tout cœur qu’il n’y aura pas d’autre épisode de ce genre.
J’ai tiré du livre du Dr Ameisen plusieurs enseignements (je fais un résumé pour les autres Louvettes) :
- l’alcoolisme est une maladie (ça je savais déjà mais il l’explique très bien)
- les alcooliques ont une mauvaise image d’eux-mêmes
- l’alcoolisme est souvent (toujours) précédé d’un autre facteur : pour le Dr Ameisen l’anxiété, pour d’autres la dépression ou un traumatisme vécu
- l’envie et la recherche d’alcool sont incontrôlables
- le sevrage a l’air terrible
- le repos du corps et de l’esprit est nécessaire de temps en temps pour « récupérer » tellement c’est épuisant, d’où l’intérêt des cures qui n’ont pas d’impact sur la « guérison » de la maladie pour la plupart des patients
- l’entourage est indispensable mais se fait rare avec l’évolution de la maladie
J’ai bien compris le mécanisme du Baclofène et comprends et partage l’immense espoir mis dans ce traitement. Lorsque ça marche, ça a effectivement l’air génial. J’espère et croise les doigts pour que ma mère connaisse ce bonheur et cette libération.
Ce que je n’ai pas réussi à comprendre, c’est où en était Loup y es-tu dans ce processus de guérison.
Si l’infirmière psychiatrique a effectivement écarté la dépression (nous n’y connaissons pas grand-chose en psychologie, pour nous c’était surtout un mot pour illustrer l’incurie que nous avions constatée), elle a clairement indiqué que l’état dans lequel était Loup y es-tu aujourd’hui était lié à une déchéance due à l’alcool. Le point positif de ça, c’est qu’il « suffirait » à Loup y es-tu d’arrêter l’alcool pour refaire surface (y’a ka fo kon !).
Un tout petit point sur ce rdv psy, dont j’ai effectivement eu écho par Louvette n°4 : Maman, ce n’est pas pour nous que tu dois aller chez le médecin, chez le psychologue ou chez le psychiatre, mais pour toi. Je reconnais que je suis hyper (hyper hyper) contente que tu aies fait cette démarche et que tu sembles la prendre au sérieux, mais c’est une démarche qui ne fonctionne que si tu en as réellement envie pour toi. Il me semble que certaines blessures ne sont pas totalement refermées.
Un autre petit point que j’avais évoqué rapidement lors de la conf call avec tes frères et sœurs : il existe à côté de chez toi, à Arles, un centre qui accompagne et soigne des alcooliques, dont des alcooliques sous baclofène. Ils ont plusieurs types d’actions et d’intervenants(éducateurs, psy, infirmiers psy…) qui sont là pour toi. Je me demandais, quitte à entamer une démarche, s’il n’était pas opportun de la faire dans l’endroit qui apparaît le plus adapté et qui aura l’habitude et l’expérience de ce type de traitement. Ils m’ont précisé qu’il n’y avait aucun pb pour que tu gardes ton médecin prescripteur si tu le souhaitais, c’est vrai qu’il a l’air très bien. Ça s’appelle CSAPA Camargue La Maison Jaune. C’est peut-être trop tôt, mais j’ai eu l’impression en lisant le livre du Dr Ameisen que c’était important d’être suivi par des médecins expérimentés dans l’alcoolisme.
Je n’ai pas réussi à identifier Loup y es-tu dans le livre parce que je ne l’ai jamais vue dans des crises d’alcoolisme telles que décrites par le Dr Ameisen, sauf en 2003 et en 2005, mais j’ai dû occulter ces moments de ma mémoire parce qu’ils restent flous.
Ce qui m’a étonné, c’est que le livre semble indiquer qu’à partir du moment où le patient prend du baclofène, il ressent un sentiment d’apaisement général, que la situation évolue positivement assez rapidement, et que même si le craving ne disparaît pas tout de suite, la consommation d’alcool est différente et la vie est globalement meilleure sous baclofène que sans.
Encore une fois, nous n’avons pas pu en parler, mais ce n’est pas ce que dégage Loup y es-tu. La déchéance et l'incurie s'intallent et s’accentuent de mois en mois, alors que le traitement a commencé depuis presque 6 mois. C'est ça qui nous inquiète. Nous ne la trouvons pas apaisée du tout, que ce soit avec nous ou avec d’autres. Les effets secondaires sont terribles et elle est formidablement courageuse de les subir jour après jour.
Voilà , un long post encore, beaucoup de questions en suspens, un énorme espoir pour que le traitement fonctionne le plus rapidement possible, et une immense fierté pour Loup y es-tu qui affronte ça.
C’est sûr que nous faisons (et ferons encore) des erreurs, mais j’ai cru comprendre qu’aucune attitude n’était meilleure qu’une autre pour l’entourage, c’est donc difficile de savoir ce que nous pouvons/devons/ne pouvons pas/ne devons pas faire. J’espère que nous avons hérité d’une partie de son instinct infaillible pour ça…
Enfin, Maman, nous sommes impuissantes sur ta maladie, mais c’est comme si tu avais un cancer et que tu suivais une chimiothérapie, tu as besoin d’aide, au quotidien, le traitement et la maladie sont trop lourds pour être affrontés totalement seule, tanière ou pas tanière. Laisse-nous t’aider…
Mille bisous et bon emménagement !
Louvette n°2