Babouche je vais essayer de développer, mais je ne suis pas sûre d'être très au clair avec tout ça.
Je ne me suis jamais considérée comme "malade". Jusqu'à présent, je pensais simplement que ma relation à la nourriture était la croix que j'avais à porter. En lisant des posts sur ce forum, j'ai réalisé que d'autres que moi faisaient l'analogie entre la drogue (ou l'alcool) et la nourriture.
La bouffe m'obsède. Je l'adore et je la déteste. Je viens d'une famille très divisée sur le sujet : ma mère, voyant dès ma naissance que j'avais très faim, qu'il fallait beaucoup de nourriture pour me calmer, a tout de suite vécu ça comme un drame, et m'a dès 8 ans fait faire divers régimes. Mon père était un bon vivant, très bon cuisinier, il adorait manger, mais mangeait beaucoup trop, et il était alcoolique. Il est mort depuis plus de 12 ans, mais cet héritage reste bien vivant en moi, et aussi en ma soeur, qui elle n'a pas de problèmes d'addiction.
Je suis donc le produit de ces deux personnes très différentes. J'ai senti chez mes deux parents, très tôt, de la désapprobation à propos de mon surpoids (qui a l'époque n'était pas exacerbé, j'étais juste une enfant dodue). Il y a eu des privations, des restrictions, qui n'avaient pour résultat que de me faire encore plus penser à la nourriture, et bien sûr à me faire culpabiliser. Jusqu'à la fin de l'adolescence, ça allait à peu près, j'étais à un poids normal et j'arrivais à manger 'normalement".
J'ai ensuite vécu pour la première fois avec un garçon et j'ai pris 15 kilos en l'espace d'un hiver. Puis l'été suivant j'ai fait un régime drastique et je les ai reperdus en deux ou trois mois. Et ça été le début de nombreuses de périodes de yoyo. La dernière fois, c'était en 2004 et j'ai perdu 20 kilos en 4 mois. Je les ai bien sûr tous repris ensuite.
Aujourd'hui j'ai 40 ans et je pèse 92 kilos pour 1,70 m. Je pense toujours beaucoup à la nourriture, j'ai toujours besoin de me faire plaisir en mangeant. J'ai du mal à envisager qu'un seul repas soit composé d'aliments qui ne me font pas particulièrement saliver. Du coup j'ai beaucoup de mal à m'arrêter : je mange rarement sans avoir faim, mais une fois partie c'est dur de m'arrêter, même quand je sens la satiété, ce qui n'est pas toujours le cas.
Quand je lis ce que beaucoup d'entre vous appellent "crises", je ne me reconnais pas là -dedans. Je sais que je cherche du réconfort dans la nourriture, mais je mange souvent avant tout parce que j'ai souvent faim. Mes repas sont souvent trop importants, et j'ai du mal à contrôler certaines prises alimentaires, mais j'ai du mal à y voir quelque chose de pathologique. Je suis qqu'un qui cherche à tout prix à ne pas se voiler la face, mais il est bien sûr possible qu'à ce sujet je sois dans le déni... ce qui me met la puce à l'oreille c'est l'analogie à la drogue, vraiment : moi ma drogue c'est le fromage

et tout ce qui est gras et salé en gros. Difficile de résister, de s'arrêter de manger certains aliments de cette catégorie, même si les excès restent "limités". Mais c'est tellement difficile à définir, les quantités...
Quand Sissi dit "heureusement que je n'aime pas l'alcool, sinon je serais alcoolique", ça me parle vraiment, parce que j'ai toujours dit "heureusement que je n'ai jamais pris de drogue, sans quoi je serais une junkie". C'est ça, au-delà du fait que je n'ai pas le sentiment de faire de crises, au-delà du fait que je ne suis pas boulimique, qui me fait penser que quelque chose cloche, et que ce n'est pas simplement mon "caractère" d'être gourmande. Je suis très vite dans l'excès, comme l'était mon père, alors je me dis qu'il faut creuser de ce côté-là .
Ça reste très dur d'envisager, intellectuellement parlant, que ça puisse être une anomalie physiologique qui se soigne avec un médicament. Je suis en permanence dans la culpabilité, la honte. Autour de moi les gens pensent (sûrement en partie pour me faire plaisir) que "je suis comme ça, c'est tout". Ce qui quelque part aggrave le problème, parce que personne n'a envie d'être celui ou celle qui mange trop. À chaque fois que je me vois dans un miroir ou sur une photo, je suis étonnée (et mortifiée) de me voir si grosse. Je ne m'habitue pas.
Fin 2012 j'ai entrepris une deuxième thérapie comportementale. Au début c'était très stimulant, mais rien n'a changé. Sur la fin la psy m'a simplement dit "vous n'avez pas de problème, c'est votre nature, vous mangez de façon normale". Pour moi c'était un constat d'échec de sa part, mais ça devait venir de moi, peut-être parce que moi aussi je trouve ça normal, ou en tout cas pas grave au point d'être considéré comme une maladie, et du coup je ne pense pas avoir expliqué clairement comment je vivais mon rapport à la nourriture.
Donc voilà , le Baclofène, si le médecin m'en prescrit, me guérira peut-être, mais avant tout il me fera peut-être prendre conscience que j'étais malade. Ce qui me fait très peur, si ça fonctionne, c'est de devenir indifférente à la nourriture (et au bon vin

) car ça fait partie de moi, d'aimer bien manger, de m'intéresser à la gastronomie et à la cuisine, c'est qq chose que je partage avec ma soeur dont je suis très proche. Je ne veux pas perdre ça. Le changement (même positif) fait toujours peur, j'ai peut-être simplement peur de guérir, mais il y a certaines choses que je ne veux pas changer. Je veux simplement que la nourriture arrête de me faire souffrir.