Mesdames, messieurs, bonjour à tous.
Aujourd'hui je souffle mes 32 bougies. Coïncidence du calendrier, aujourd'hui je commence un traitement de Baclofene. Je vais essayer de vous raconter un peu ma situation, un peu pour me présenter, surtout pour mettre à plat mes pensées, mes idées. Aussi pour pouvoir me relire, un jour, et me rappeler du chemin parcouru. J'espère.
Ca fait une douzaine d'années que j'ai un... "penchant" prononcé pour la boisson. J'ai du mal avec le terme "alcoolique". Je le cache -extrèmement bien-, j'en ai honte, et il m'a fallu de nombreuses années avant de l'accepter. C'est ma plus grande faiblesse.
C'est la toute première fois que j'en parle en dehors d'un cabinet de médecine. Je n'ai aucune idée de la gravité de mon cas, j'ai toujours imaginé les alcooliques comme des gens faibles, stupides, mal rasés, qui puent et qui picolent du matin au soir pour oublier leur vie misérable et qui crèvent, seuls, d'une cirrhose avant la quarantaine. C'était bien pratique de les imaginer comme ça, au moins j'étais sûr de pas en être. Ca se verrait, me disais-je.
Au début, c'était n'importe quoi. Je finançais mes études en bossant dans la restauration, la où tout a commencé. Un petit verre après le service avec l'équipe, qui a rapidement évolué vers un gros verre tout le temps, avant, pendant et après, où on se retrouvait tous à siffler les bouteilles de pinard piquées dans la cave. Ca a duré un an environ, suffisamment pour que le rituel de la bouteille de rosé avant de se coucher s'installe. Puis la fin des études, et le chômage. Maigre chômage. Peu importe, il y passait: une bouteille de Pastis à midi, KO technique à 16h. Dieu que les journées sont longues quand on a rien à faire. Mais je me justifiais: il fallait bien que je m'assomme pour tuer l'ennui.
C'était la période noire, la période de tous les excés. Rentrer de nuit, à moto, à 4 grammes. La retrouver un matin toute rayée d'un coté, sans le moindre souvenir de ce qu'il s'était passé, à part une vague douleur sur le flanc. Boire du parfum, de l'alcool à désinfecter. Distraire la belle-famille lors du repas dominical pour aller taper dans leur bar à même le goulot. Me lever en pleine nuit, saoul comme un cochon, et pisser contre le mur de la chambre. Pfffff...
Heureusement, Elle était la.
Elle, je l'ai rencontrée quand j'avais 20 ans. On a rapidement emménagé ensemble. Elle était la, Elle m'a soutenu, aidé, supporté, alors même que je refusais catégoriquement d'admettre que j'avais un quelconque problème. J'aimais être ivre, rien de plus, rien de grave. Grâce à Elle, j'ai progressivement canalisé mes pulsions. J'ai trouvé un boulot stable et bien payé correspondant à mes études. J'avais une vie presque normale, je ne buvais plus que le soir, quelques bières fortes pour m'aider à dormir. Deux ou trois litres, pas plus. Souvent, un peu de vin, pour aller avec le repas vous comprenez...
Ça a duré comme ça plusieurs années. J'ai maitrisé l'art de cacher mon vice, même à moi-même. Surtout à moi-même. Je ne buvais que le soir, à doses thérapeutiques, toujours identiques. En soirée, je me retenais et m'efforçais de boire "comme tout le monde". J'ai appris à refuser, en me promettant mentalement le double une fois rentré. J'ai appris à surprendre les sceptiques en refusant de boire sans raison, juste "j'ai pas envie, la". Tu parles.
Je suis excellent à ce petit jeu. L'alcool ne me rend pas con, violent, ou émotionnel. Je peux cacher mon ivresse même à mes proches. Et donc boire encore plus.
De toute façon je m'en fous, j'arrête quand je veux.
Et puis, après une dizaine d'années de vie commune, notre couple a pris du plomb dans l'aile. Ça n'allait plus, la flamme était éteinte, je buvais de plus en plus, en cachette le plus souvent. Enfin, quand je dis en cachette, je suivais la règle de la "faute avouée à demi pardonnée", qui devient hyper rentable si on avoue que 10% de la faute. Une bière en face, une quille dans le dos.
Bref, on s'est séparé en 2012. En excellent termes, figurez-vous. On avait juste envie d'aller voir ailleurs si l'herbe est aussi verte qu'elle en a l'air.
Et me voila donc enfin en roue libre. Plus besoin de faire semblant, de me cacher, de mentir. Quel bonheur ! A ma grande surprise, ma consommation d'alcool est resté sensiblement la même. Évidemment, puisque je suis pas un alcoolique©...
J'ai rencontré d'autres femmes, des histoires d'un soir, d'autres qui durent un peu. Ce que je voulais, en somme. Jusqu'à ce que j'en rencontre une avec qui j'étais prés à rester un peu plus qu'une nuit.
Elle était bien plus jeune que moi, belle comme tout et d'une intelligence redoutable. Il était évident qu'elle n'accepterait jamais un homme dans sa vie avec une faiblesse aussi grande qu'une addiction, alors j'ai fait ce qui était l'évidence même: j'ai arrêté de boire. Et de fumer dans la foulée. Pour elle.
Aucune difficulté, il n'y a pas plus grande motivation que le sourire de la femme de nos pensées. A part peut-être ses seins généreux et ses fesses fermes ? Bon sang qu'elle était belle.
Ça n'a évidemment pas duré. Passé l'état de grâce des prémices d'une relation amoureuse, le naturel revient au galop. D'abord quand elle est pas la... Puis avant qu'elle arrive... Puis en cachette...
Après quelques mois, un soir, un peu ivre je me lève et perds l'équilibre dans l'obscurité de la chambre. Un truc qui m'arrive jamais. Évidemment je lui tombe dessus, du haut de mon quintal sur son corps fragile. Pas de bobo heureusement, mais le début de la pente descendante: elle a compris.
Notre couple ne durera pas plus de quelques semaines supplémentaires avant qu'elle m'assène l'infâme "il faut qu'on parle". Pas grave, je l'avais vu venir, on était pas compatible. Y'en aura d'autres.
Vraiment ? D'autres ? Pourquoi faire ? Jamais j'en trouverai une qui me comprend. Qui m'accepte. Qui m'aide. Autant continuer ma vie en gardant un bon désordre sentimental, ça tue l'ennui.
Et puis, Elle est revenue. Elle était allée voir ailleurs Elle aussi, et en avait tiré la même conclusion que moi. L'herbe est y peut-être plus verte, mais qu'est ce qu'on s'y ennuie. Elle a su trouver les mots et les gestes pour me séduire à nouveau, non pas que c'était difficile (mais ne lui dites pas). On s'est remis ensemble, parce que c'était l'évidence même.
Mais cette fois, je savais quelque chose que j'ignorais avant. J'ai un problème avec l'alcool, je ne peux pas arrêter comme ça. Il me faut de l'aide, une aide extérieure, une aide professionnelle. Alors j'en ai parlé à mon médecin. Dur moment que d'admettre une telle faiblesse, de devoir demander de l'aide. J'en grince des dents rien que d'y repenser.
Elle m'a dirigé vers un addictologue, que j'ai rencontré en fin d'année dernière. Quant à Elle, je lui ai appris que je me faisais prendre en charge en début d'année. Elle était fière et heureuse, mais a bien évidemment compris que si je devais m'en sortir, ce serait seul.
Pfiou, que c'est dur d'en parler. Étaler comme ça face à un inconnu ses problèmes, qu'on a passé tant d'années à cacher. Le sentiment d'échec qui se frotte à son visage.
Alors on a commencé les traitements. D'abord l'Aotal, 6 comprimés par jour. Aucun résultat, mais je prends également des anxiolytiques et des somnifères: au moins, je n'ai plus ces angoisses de ne rien avoir à boire le soir et je sais que je n'aurais pas de problème à m'endormir avant 5h du mat'. Mais l'envie, putain cette envie... Elle est toujours la. Je peux la cacher derrière autant de calmant que je veux, j'ai toujours cette envie de boire.
Début Mars, Elle m'apprend la bonne nouvelle: je vais être papa. Plus remonté que jamais à terrasser cette faiblesse de merde.
Puis on a essayé le Revia. Ca a donné de bons résultats au début. L'envie n'était plus aussi présente -dumoins, elle était toujours la mais je n'était pas sûr que ce soit une envie de picoler. Avec les calmants, ça a eu son petit effet pendant quelques semaines... Avant de retomber dans mes vices. J'ai aussi commencé à voir une psy.
Aujourd'hui, j'ai revu mon addictologue. Je lui expliqué qu'une fois de plus, j'avais échoué.
"Bon, et bien on va essayer le Baclofene".
Et me voila. Il m'a dit de commencer par 2 comprimés, puis d'augmenter de 1 tous les 4 jours, jusqu'à 6. Quand je vois les quantités que certains d'entre vous prennent, ça me fait peur...
J'espère enfin avoir la force de me libérer de cette saloperie. Avoir une vie normale.
Être un bon père.
Message édité 4 fois, dernière édition par Albert, 07 Aout 2014, 16:57
Aujourd'hui je souffle mes 32 bougies. Coïncidence du calendrier, aujourd'hui je commence un traitement de Baclofene. Je vais essayer de vous raconter un peu ma situation, un peu pour me présenter, surtout pour mettre à plat mes pensées, mes idées. Aussi pour pouvoir me relire, un jour, et me rappeler du chemin parcouru. J'espère.
Ca fait une douzaine d'années que j'ai un... "penchant" prononcé pour la boisson. J'ai du mal avec le terme "alcoolique". Je le cache -extrèmement bien-, j'en ai honte, et il m'a fallu de nombreuses années avant de l'accepter. C'est ma plus grande faiblesse.
C'est la toute première fois que j'en parle en dehors d'un cabinet de médecine. Je n'ai aucune idée de la gravité de mon cas, j'ai toujours imaginé les alcooliques comme des gens faibles, stupides, mal rasés, qui puent et qui picolent du matin au soir pour oublier leur vie misérable et qui crèvent, seuls, d'une cirrhose avant la quarantaine. C'était bien pratique de les imaginer comme ça, au moins j'étais sûr de pas en être. Ca se verrait, me disais-je.
Au début, c'était n'importe quoi. Je finançais mes études en bossant dans la restauration, la où tout a commencé. Un petit verre après le service avec l'équipe, qui a rapidement évolué vers un gros verre tout le temps, avant, pendant et après, où on se retrouvait tous à siffler les bouteilles de pinard piquées dans la cave. Ca a duré un an environ, suffisamment pour que le rituel de la bouteille de rosé avant de se coucher s'installe. Puis la fin des études, et le chômage. Maigre chômage. Peu importe, il y passait: une bouteille de Pastis à midi, KO technique à 16h. Dieu que les journées sont longues quand on a rien à faire. Mais je me justifiais: il fallait bien que je m'assomme pour tuer l'ennui.
C'était la période noire, la période de tous les excés. Rentrer de nuit, à moto, à 4 grammes. La retrouver un matin toute rayée d'un coté, sans le moindre souvenir de ce qu'il s'était passé, à part une vague douleur sur le flanc. Boire du parfum, de l'alcool à désinfecter. Distraire la belle-famille lors du repas dominical pour aller taper dans leur bar à même le goulot. Me lever en pleine nuit, saoul comme un cochon, et pisser contre le mur de la chambre. Pfffff...
Heureusement, Elle était la.
Elle, je l'ai rencontrée quand j'avais 20 ans. On a rapidement emménagé ensemble. Elle était la, Elle m'a soutenu, aidé, supporté, alors même que je refusais catégoriquement d'admettre que j'avais un quelconque problème. J'aimais être ivre, rien de plus, rien de grave. Grâce à Elle, j'ai progressivement canalisé mes pulsions. J'ai trouvé un boulot stable et bien payé correspondant à mes études. J'avais une vie presque normale, je ne buvais plus que le soir, quelques bières fortes pour m'aider à dormir. Deux ou trois litres, pas plus. Souvent, un peu de vin, pour aller avec le repas vous comprenez...
Ça a duré comme ça plusieurs années. J'ai maitrisé l'art de cacher mon vice, même à moi-même. Surtout à moi-même. Je ne buvais que le soir, à doses thérapeutiques, toujours identiques. En soirée, je me retenais et m'efforçais de boire "comme tout le monde". J'ai appris à refuser, en me promettant mentalement le double une fois rentré. J'ai appris à surprendre les sceptiques en refusant de boire sans raison, juste "j'ai pas envie, la". Tu parles.
Je suis excellent à ce petit jeu. L'alcool ne me rend pas con, violent, ou émotionnel. Je peux cacher mon ivresse même à mes proches. Et donc boire encore plus.
De toute façon je m'en fous, j'arrête quand je veux.
Et puis, après une dizaine d'années de vie commune, notre couple a pris du plomb dans l'aile. Ça n'allait plus, la flamme était éteinte, je buvais de plus en plus, en cachette le plus souvent. Enfin, quand je dis en cachette, je suivais la règle de la "faute avouée à demi pardonnée", qui devient hyper rentable si on avoue que 10% de la faute. Une bière en face, une quille dans le dos.
Bref, on s'est séparé en 2012. En excellent termes, figurez-vous. On avait juste envie d'aller voir ailleurs si l'herbe est aussi verte qu'elle en a l'air.
Et me voila donc enfin en roue libre. Plus besoin de faire semblant, de me cacher, de mentir. Quel bonheur ! A ma grande surprise, ma consommation d'alcool est resté sensiblement la même. Évidemment, puisque je suis pas un alcoolique©...
J'ai rencontré d'autres femmes, des histoires d'un soir, d'autres qui durent un peu. Ce que je voulais, en somme. Jusqu'à ce que j'en rencontre une avec qui j'étais prés à rester un peu plus qu'une nuit.
Elle était bien plus jeune que moi, belle comme tout et d'une intelligence redoutable. Il était évident qu'elle n'accepterait jamais un homme dans sa vie avec une faiblesse aussi grande qu'une addiction, alors j'ai fait ce qui était l'évidence même: j'ai arrêté de boire. Et de fumer dans la foulée. Pour elle.
Aucune difficulté, il n'y a pas plus grande motivation que le sourire de la femme de nos pensées. A part peut-être ses seins généreux et ses fesses fermes ? Bon sang qu'elle était belle.
Ça n'a évidemment pas duré. Passé l'état de grâce des prémices d'une relation amoureuse, le naturel revient au galop. D'abord quand elle est pas la... Puis avant qu'elle arrive... Puis en cachette...
Après quelques mois, un soir, un peu ivre je me lève et perds l'équilibre dans l'obscurité de la chambre. Un truc qui m'arrive jamais. Évidemment je lui tombe dessus, du haut de mon quintal sur son corps fragile. Pas de bobo heureusement, mais le début de la pente descendante: elle a compris.
Notre couple ne durera pas plus de quelques semaines supplémentaires avant qu'elle m'assène l'infâme "il faut qu'on parle". Pas grave, je l'avais vu venir, on était pas compatible. Y'en aura d'autres.
Vraiment ? D'autres ? Pourquoi faire ? Jamais j'en trouverai une qui me comprend. Qui m'accepte. Qui m'aide. Autant continuer ma vie en gardant un bon désordre sentimental, ça tue l'ennui.
Et puis, Elle est revenue. Elle était allée voir ailleurs Elle aussi, et en avait tiré la même conclusion que moi. L'herbe est y peut-être plus verte, mais qu'est ce qu'on s'y ennuie. Elle a su trouver les mots et les gestes pour me séduire à nouveau, non pas que c'était difficile (mais ne lui dites pas). On s'est remis ensemble, parce que c'était l'évidence même.
Mais cette fois, je savais quelque chose que j'ignorais avant. J'ai un problème avec l'alcool, je ne peux pas arrêter comme ça. Il me faut de l'aide, une aide extérieure, une aide professionnelle. Alors j'en ai parlé à mon médecin. Dur moment que d'admettre une telle faiblesse, de devoir demander de l'aide. J'en grince des dents rien que d'y repenser.
Elle m'a dirigé vers un addictologue, que j'ai rencontré en fin d'année dernière. Quant à Elle, je lui ai appris que je me faisais prendre en charge en début d'année. Elle était fière et heureuse, mais a bien évidemment compris que si je devais m'en sortir, ce serait seul.
Pfiou, que c'est dur d'en parler. Étaler comme ça face à un inconnu ses problèmes, qu'on a passé tant d'années à cacher. Le sentiment d'échec qui se frotte à son visage.
Alors on a commencé les traitements. D'abord l'Aotal, 6 comprimés par jour. Aucun résultat, mais je prends également des anxiolytiques et des somnifères: au moins, je n'ai plus ces angoisses de ne rien avoir à boire le soir et je sais que je n'aurais pas de problème à m'endormir avant 5h du mat'. Mais l'envie, putain cette envie... Elle est toujours la. Je peux la cacher derrière autant de calmant que je veux, j'ai toujours cette envie de boire.
Début Mars, Elle m'apprend la bonne nouvelle: je vais être papa. Plus remonté que jamais à terrasser cette faiblesse de merde.
Puis on a essayé le Revia. Ca a donné de bons résultats au début. L'envie n'était plus aussi présente -dumoins, elle était toujours la mais je n'était pas sûr que ce soit une envie de picoler. Avec les calmants, ça a eu son petit effet pendant quelques semaines... Avant de retomber dans mes vices. J'ai aussi commencé à voir une psy.
Aujourd'hui, j'ai revu mon addictologue. Je lui expliqué qu'une fois de plus, j'avais échoué.
"Bon, et bien on va essayer le Baclofene".
Et me voila. Il m'a dit de commencer par 2 comprimés, puis d'augmenter de 1 tous les 4 jours, jusqu'à 6. Quand je vois les quantités que certains d'entre vous prennent, ça me fait peur...
J'espère enfin avoir la force de me libérer de cette saloperie. Avoir une vie normale.
Être un bon père.