Pardon pour le pavé magistral, mais j'avais envie de partager cela ici avec vous !
Est-ce qu’il existe un remède (non médicamenteux, mais thérapeutique) contre l’angoisse ou l’insomnie ?
Une sorte de protocole infaillible, une thérapie brève ?
A ma connaissance, non, à part mettre en place des processus mentaux… qu’il faut entretenir avec le temps, comme des abdominaux, pour avoir le ventre plat.
Moi c’est l’angoisse, mon problème principal… Et je me suis juré d’y mettre fin sans devoir me résigner à une prise de baclo, à vie,
pourtant, c’est efficace, mais ça me cause un problème de dépendance à un médicament, et le fait d’être tout de même gentiment « zombie »,
un peu dans la journée et surtout le soir, en me coupant d’une vie sociale, alors non !
Si au moins j’avais peur… de… quelque chose, je pourrais au moins traiter ce quelque chose. Mais le propre de l’angoisse, c’est d’avoir peur de tout sans pouvoir rien nommer.
Ce tout est comme un mouvement perpétuel, un processus reproduit à l’infini et qui mène à cette impasse d’immobilisme et d’impuissance qui s’appelle l’angoisse.
Je vais tenter de raconter ce petit rien qui s’est passé cet été et qui je crois a débloqué un processus d’angoisse permanente et larvée.
C’est bien sûr très personnel, lié à ma vie, et ce n’est sans doute pas reproductible à la vie d’un autre.
Je me suis toujours sentie un peu « pas comme les autres », comme débarquée d’une autre planète parmi les gens que je trouve et qualifie de normaux.
C’est donc à moi de m’adapter à eux, quitte à pratiquer de la sur-adaptation. C’est moi qui suis à côté de la plaque, les autres sont parfaitement légitimes, pas moi.
Ce qui a créé ça, à l’origine n’est pas une maltraitance, c’est juste un évènement en apparence anodin et passée sous silence qui a provoqué chez moi une insécurité permanente.
A 4 ans, ma famille a déménagé et nous avons changé de pays. A 4 ans, on me considérait sans doute comme un petit animal qui suit sans avoir d’autre besoin que d’être nourri et logé.
Il n’en n’est rien. Je suis un être humain avec un cerveau plus élaboré que celui d’un caniche.
J’ai atterri dans un univers hostile, et c’est là que j’ai construit la croyance que je n’étais pas comme les autres, à peine un être humain.
Alors j’ai tenté de me couler dans ce moule, et j’ai fait semblant, tout le temps, en me rassurant avec d’autres « pas comme les autres »,
des déracinées, des expatriés, des métis et des hybrides. En grandissant, j’ai gardé cette croyance, et je me suis retrouvée chez les boulimiques, ces personnes différentes,
tout comme les alcooliques, avec la même dépendance.
L’addiction à la bouffe me permettait de tenir, comme l’alcool donne l’illusion de la toute puissance ou le la solitaire autosuffisance.
Elle envoyait un message jamais compris de l’autre qui la considérait comme une maladie, faisant de moi une victime, alors qu’elle avait un sens.
Pas comme les autres, vous dis-je !
Fin aout, j’ai vécu avec un groupe réuni pour un objectif commun, une formation au long court (initiée en 2008).
Les moments du repas, pris bien sûr en commun étaient une torture.
D’abord parce qu’ils me rappellent de mauvais souvenirs, de l’époque ou la bouffe me parlait trop, ne me laissait jamais indifférente, prenait une place beaucoup trop importante.
L’attente interminable des plats, le plat posé sur la table, de préférence sous mon nez, énorme, avec des portions pour 10 ou 12 personnes, le temps du service,
les assiettes souillées qui restent sur la table pendant des minutes qui paraissent des heures, et cette convivialité forcée que je pensais simple pour les autres
et à laquelle je me forçait pour paraitre une personne normale malgré cette différence ressentie très forte à l’intérieur et que je n’exprime jamais.
J’ai quitté la table à un moment trop bruyant et en apparence joyeux auquel je n’arrivais pas à participer.
Ma parole était bloquée au fond de la gorge, sans pourvoir articuler ni sortir le moindre mot.
On ne parle pas la bouche pleine, mais le baclo m’a retiré cette ressource !
J’aurais bien pu aussi boire, mais mon addiction à moi, c’est la bouffe.
Certains d’ailleurs ne s’en privaient pas, et le rosé coulait à flot dans certains verres.
J’ai fuis en prétextant le traitement (ils sont au courant) à la faveur d’un mouvement (se lever pour aller se servir de la salade et du fromage).
J’ai fuis pour laisser ensemble toutes ces personnes normales vivre et s’amuser entre elles et aller m’isoler (sans bouffe), car ma sur-adaptation avait touché sa limite.
Dans ma chambre, j’écoutais encore ce qui se passait, car la fenêtre donnais sur la terrasse ou se tenait la fin du repas.
J’ai bien perçu l’excitation, à un moment proche d’une hystérie collective, et j’étais triste à mourir de ne pas me sentir en mesure d’y participer.
Puis j’ai entendu quelqu’un pleurer, et un mouvement d’accalmie ou le groupe s’ajustait.
Le lendemain, il y a eu en groupe une « régulation » et j’ai constaté que je n’étais pas la seule à avoir été mise dans un état de grand inconfort.
En un quart de seconde, j’ai eu la révélation, d’être normale, d’avoir partagé ce même sentiment de gêne, et d’avoir fuis pour le pas l’exprimer,
alors que j’aurais pu, mais n’aurais jamais osé. C’était comme une révélation, une évidence, mais pour la première fois de ma vie.
Je l’ai exprimée au groupe qui m’a regardée avec des yeux de merlan frit « ben oui, t’es normale ! » et j’ai compris que c’est moi et moi seule qui me qualifiait de « différente ».
J’aurais eu toute légitimité à me lever de table et à réclamer un peu de calme pour l’ensemble du groupe, et certains m’auraient peut être même remercié.
Mais je n’ai pas osé, de peur du rejet, avec l’intime conviction que je devais plutôt laisser les personnes normales entre elles s’amuser et me retirer, moi, l’anormale,
la « pas comme les autres »
Quelques jours plut tôt, j’avais qualifié le groupe de l’adjectif d’indifférent : indifférent à mon traitement, à ce que je vis,
et à deux autres malaises exprimés par d’autres membres du groupe.
J’avais bien sûr reçu des retours plutôt négatifs du genre « pour qui tu te prends ! Nous, indifférents ? Mais tu te goures et tu te fourres le doigt dans l’œil et jusqu’au coude ! ». pourtant c’est bien ce que je ressentais, et un ressenti, c’est toujours vrai, par définition, c’est le contraire d’un mensonge, une réaction spontanée qu’on ne peut pas inventer.
J’ai pu alors affiné ce que j’entendais par indifférence.
L’indifférence, c’est la bonne distance. Quand je regarde les informations de 20 heures à la télé (c’est une hypothèse, vu que je n’ai pas la télé, mais admettons !),
mon indifférence me protège de me rouler par terre de souffrance par excès d’empathie pour la misère du monde.
Je la reçois comme de l’information, bien au chaud, chez moi, sur mon canapé, et j’en retiens peut être une : l’info sur la RTU d’une molécule le 14 mars 2014.
Des milliers d’autres personnes reçoivent la même information en se disant, je suis content de le savoir, mais cela ne me concerne pas.
Nous ne sommes qu’un petit pourcentage à ne pas être indifférent à cette information, pour nous, capitale.
D’ailleurs nous étions pour la plupart au courant même avant le JT !
De même la dernière catastrophe aérienne me laisse de marbre ou presque, je me dis que c’est bien triste, mais que l’avion reste tout de même
le moyen de transport le plus sûr au monde. Pas sûr que j’aurais la même réflexion si j’avais un proche ou même un simple voisin parmi les passagers… J’aurais été dévastée.
L’indifférence, c’est le choix de s’intéresser, ou pas, de s’impliquer, ou pas. Ou de laisser passer.
L’indifférence est un filtre qui nous protège.
Je suis indifférente à la bouffe et à l’alcool quand ils n’ont pas lieu d’être dans ma vie, car je n’ai ni faim, ni soif, ni envie de consommer.
J’avais perdu cette indifférence, le le baclo me l’a redonnée, et j’espère bien la conserver très longtemps et la diffuser dans d’autres facettes de ma vie.
On ne peut pas tout prendre, s’impliquer partout, se laisser pénétrer par toutes les émotions.
Le groupe m’a écoutée dans un silence que j’ai pris dans un premier temps pour de l’indifférence : en fait, c’était un silence de concentration et d’intérêt intense !
Plus du tout indifférent, et s’il y en a eu un parmi tous ceux là, ça me laisse complètement indifférente : il en a le droit.
Le rapport avec mes angoisses, c’est que j’émets l’hypothèse, à vérifier au fil du temps, que je viens de donner une grande estocade à mes angoisses
en prenant conscience que je fais bien partie du groupe des humains.
Que ma sur-adaptation permanente me mettait dans un état de tension telle que rappliquait l’angoisse, comme si elle s’invitait chez elle, bien à l’aise.
J’ai cassé un de ses processus d’envahissement familier et redoutablement efficace.
Je l’ai raccompagnée à l’extérieur aussi surement que si je lui signifiais la fin d’une soirée ou d’une représentation.
Je suis en train de devenir indifférente à l’angoisse. Je l’ai remisée à la bonne distance.
Maintenant, j’ai peur d’une chose, et cette chose, c’est qu’elle ne revienne !
Mais comme j’ai cassée le processus, et que le baclo a cassé le circuit de l’addiction, il ne tient qu’à moi de le remettre en jeu dans tous les instants de ma vie,
comme le précédent, qui lui était toxique et trop bien établi. Et pour cela j’ai confiance : il est s’installé au moment du déclic, en un quart de seconde, et il n’est pas prêt de partir.
Car je suis normale et j’habite chez moi, et je peux donc me déplacer partout comme chez moi et à l’égal des autres, comme je le veux et je le choisis,
que ce soit au milieu des autres humains, au milieu d’une cave remplies de bouteilles ou devant une table de ripaille.
Je ne prendrais que ce qui m’intéresse, ce qui ne me rend pas indifférente, je choisirais de n’aller vers que ce qui m’attire
et pas ce qui constitue un mouvement d’addiction ou la volonté, où mon libre arbitre a disparu au profit de la pulsion.
Je ne fuirai plus, je déciderai de partir ou de rester en manifestant ma présence. L’angoisse qui se cachait derrière l’indifférence retrouvée,
au moment de la descente de ma dose de baclo peut aller se rhabiller. J’en fais le pari pour les jours, les semaines et les mois qui viennent.
Le déclic a eu lieu.
Voila donc ce qui m’est arrivé le 21 aout vers 15 heures. J’ai cassé le moule, cassée le processus. Je souhaite à chacun de repérer le sien et de lui donner un sens.
Cela a été possible pour moi, dans un groupe de Gestalt-thérapie, pendant mon traitement au baclo, cette petite molécule à trois sous redécouverte par un type engagé au plus haut degré, Olivier Ameisen, pour laquelle je m’engage à œuvrer ce que je pourrais pour la faire reconnaitre et rendre disponible à tous ceux qui voudront s’engager dans le processus de la bonne et magnifique indifférence.
Le baclo, moi et le processus thérapeutique, on a formé une sacré bonne équipe. On a gagné tout les trois le droit à l’indifférence, un droit qui doit être accessible à tous ceux qui le voudront, et l’histoire pour moi n’est pas prête de se terminer, elle se cultive, elle continue… Pour moi, la prochaine étape sera de ne pas me laisser emporter par le stress de la rentrée, car toute ma vie se reconstruit avec cette nouvelle donnée.
Bonne journée !
Message édité 1 fois, dernière édition par Claude..., 25 Aout 2014, 9:25
Début TTT 6 nov 2013. Seuil atteint mi janvier 2014 à 120mg.
Janvier 2015 à janvier 2016 : 0 baclo
Reprise TTT suite à un retour d'habitudes : 90mg/jour