Je remets ce post que j'avais effacé car j'étais trop identifiable. Je l'ai corrigé. Ce mail a été envoyé au Professeur Olivier Ameisen le 28 novembre 2011 et posté sur mon fil plus ou moins dans cette période.
Bonjour Professeur et merci de me donner la possibilité de correspondre avec vous. Je vais d’abord me présenter, résumer mon alcoolisme, puis les parcours bac et puis, vous n’êtes pas obligé de tout lire, j’ai fait le plus court possible, mais ça prend quand même quelques pages..
Alcoolisme mondain, puis de moins en moins mondain, puis alcoolique tout court.
Contextes de vie et alcool
Comme tout le monde, quand j’étais jeune, je buvais un peu, j’aimais bien lors d’un fête ou pour me mettre dans le même état que les copains. C’était sympa et pas envahisseur.
Mon premier époux disait toujours qu’il fallait se méfier des gens qui ne boivent pas, c’est qu’ils ont quelque chose à cacher. Ce qui m’arrangeait. Avec le recul, je me dis que c'était plutot nous qui avions des choses à cacher et moi surtout. Fragile mais grande geule, sensibilité très forte et timidité non apparentes puisque grande gueule.
J’ai acheté un restaurant (j’avais pas un rond) mais les banquiers m’ont suivie. Pas peu fière, je n’avais jamais étudié la restauration, ni fait de stage dans aucun restaurant. (En bref, je n’ai jamais rien étudié et surtout pas à l’école que je quittai à l’âge de 16 ans)
Dans la restauration, il est courant de boire quelques verres de vin en mangeant, ma cave étant très belle, je ne m’en privais pas, mais n’étais pas ( je crois) alcoolique. Quoique buvant probablement 1 bouteille de vin par jour, mais cela me semblait normal, et je ne me posais pas la question à l’époque : Peux tu passer une journée sans vin ? Si je me l’étais posée, j’aurais bien été forcée déjà de répondre
Si je pense à ma vie amoureuse, je n'ai jamais été une "flirteuse" qui se donnait au premier venu. J'ai aimé, mais pour l'amour, je prenais toujours quelques verres pour me laisser aller et je devenais une amante extraordinaire, ce que je n'étais pas à jun. Cette anecdote est encore valable aujourd'hui.
Je buvais toujours à chaque repas comme avant. Rarement saoule, contrôlant parfaitement les doses dont j’avais besoin. Mais ne me posant toujours pas la question : « suis je alcoolique ou pas. »
Dans le même temps, je sortais bcp et avais rencontré des sympas qui m’avaient fait connaître la cocaïne. Oh, drogue divine, qu’est ce que j’aimais ça. Et sachant que Cocteau ( que j'admirais) ou d'autres étaient dans leur époque à l'opium, je me disais certaine et confiante que finalement tous les grands prenaient de la drogue. Je faisais partie des grands en prenant les lignes. Je n’avais pas encore fait la connaissance de Jouhandeau ou de Green. Heureusement, je décidai de ne pas rester en dans mon pays d'origine
Je suis certaine que si j’étais restée en Europe , je serais devenue cocaïnomane vite fait bien fait. Ca, oui, j’en suis certaine.
L’étau se refermait.
Je décidai de vendre mon restaurant, chance, je l'ai bien vendu. Attention belle ile Maurice, j’arrive ! Chaque jour était arrosé d’une bouteille de vin minimum. Pour moi, les autres ou ceux qui buvaient des jus de fruits étaient des iconoclastes et des gens à ne pas fréquenter. Je ne me posai toujours pas la question.
Le temps passait et naturellement, je me séparai de mon premier époux pour vivre avec l’homme qui est mon second mari aujourd’hui.Mon comportement avec le vin allait changer.
Lorsque j’étais avec mon ex, nous buvions au repas et sirotions un verre ou deux de vin le soir. Mon second mari était de ceux qui boivent peut être un whisky une fois par semaine lors d’une occasion. Point. Il est aussi, ce que j’appelle, un fumeur intelligent. C’est lui qui contrôle la cigarette : entre 5 et 10 par jour- alors que moi j’en suis à environ 30 par jour.
Lorsque nous avons commencé à vivre ensemble, il était très étonné de me voir boire du vin à tous les repas, puis un jour, prenant à nouveau un verre de vin à siroter devant la télé, il m’a fait comprendre son désaccord, et me dit d’une manière virulente que ce n’était pas normal.
A partir de ce jour, j’ai commencé à cacher les bouteilles et boire les verres en une seule rasade au frigo. J’entrais définitivement dans l’alcoolisation massive et cachée Je buvais de plus en plus chaque jour – et quand on boit bcp, on boit mal – vu l’incidence sur le budget. Enceinte de mes enfants, j’ai bu durant mes deux grossesses et fumais. Au fond de moi, je savais que j’étais incapable de cesser l’un ou l’autre, donc je me justifiais avec mes amis en pérorant : Vous inquiétez pas.. Elle est forte la Julie !
Lors de ma première grossesse et découvrais le merveilleux amour d’une mère pour son enfant. Mais je buvais toujours.12 ans plus tard, à l’heure où je vous écris, je suis à 3 litres de Rosé par jour. Les premiers verres démarrent vers 9 h, pour s’étaler jusqu’au moment ou je vais dormir. Facile pour moi, car le bureau est en dessous de l'appartement et je fais sans cesse des allers retour, sauf quand je suis débordée de travail, je rattrape toujours ma consommation l’après midi ou le soir et j’en mets une grosse couche à mon déj brunch vers 11h.
Je gère mon alcoolisme très bien dans la mesure où quand j’ai avoué à de très proches amies que j’étais alcoolique, elles étaient très surprises et n’avaient jamais rien remarqué. Suis jamais allée au caniveau.
Découverte du baclofene
Je n’achète jamais de revues, suis mauvais public, mais bcp de livres. Chez ma petite coiffeuse du village , je tombe sur l’article d’Olivier Amesein. Je lis de manière fébrile, j’ai envie d’hurler. Je note vite votre nom sur mon portable ainsi que le mot baclofène.
En rentrant à la maison, je jubile, je me dis : ca y est, c’est pour moi. Je vais sur la toile et commande le livre fissa, puis je tél à un copain en France et qui a des potes pharmaciens pour qu’il me ramène 10 boites de bac. En passant, je lui dis aussi pourquoi. Maintenant que je ne suis plus une vicieuse, une dépravée, mais bien une malade, alors je peux en parler. Je reçois le livre que j’avale avec quelques verres de vin (malin !)
Arrive le Baclofène de France sans ordonnance, Bien joli, mais je ne vais pas tenir longtemps, bref, je me débrouille encore auprès d’une société pharmaceutique qui m’en fait venir encore 10 boites. Aujourd’hui, j’ai réussi à ce qu’une pharmacie en importe et je peux l’avoir sans ordonnance.
Je commence mon traitement en auto médication. Je démarre à 30 mg par jour et découvre le forum de Sylvie et surtout, je rencontre Cécile Ravenel avec comme Avatar Florette. Entre temps, j’envoie un mail à ma copine doc, pour lui avouer mon alcoolisme, je suis bouleversée et elle aussi. Je lui fais parvenir votre livre quelques jours avant la consultation. Elle est secouée par ce livre et me dit que c’est un des trois livres des plus importants de sa vie médicale. Elle me demande de faire des analyses et est très étonnée des résultats gamma ( suis pas certaine du mot gamma, enfin le résultat qui fait voir le taux d’alcoolémie) résultat : 60, elle me dit que je suis une extra terrestre…Moi, je me dis que le laborantin a du picoler en écrivant les resultats de l'analyse
Première médication baclofène
Avec l’aide et les conseils de Cécile, je commence la montée du baclofène, je ne sais plus à quel rythme, disons augmentation de 10 gr par semaine. Les premiers effets secondaires arrivent très vite.
Il faut savoir que lorsque je commençai le bac, j’avais plein de problèmes dans l’entreprise, que j’ai du mettre deux personnes très fortes dehors ,ce qui avait pour conséquence de me ramener à la production faisant le travail de 2 hommes ( je n’ai pas leur force et ça faisait 4 ans que je n’étais plus en production) + le mien de chef d’entreprise, coté couple, c’était pas la gloire non plus + ma grande qui commençait de jolis petits comportements de pré ado. Bonjour les dégâts.
Cécile m’avait avertie que le stress et la fatigue n’aidaient pas la molécule, mais je montai, encore et encore avec des Es de fou. Brave au travail et brave avec les es du baclofene et me disant ( merci la sacro sainte éducation chrétienne) que ce serait trop beau de s’en sortir comme un chef en un mois de 30 années d’alcoolisme. Le pire était la nuit : je me réveillais toutes les heures, allais fumer une cigarette sous la varangue, me rendormais, et rebelote toutes les heures.
Puis vint cette sensation de fer dans la bouche, je ne pouvais plus manger tellement j’avais le gout de ferraille dans la bouche donc je mettais du piment frais dans mes aliments, espérant que le piment surpasserait ce gout de fer épouvantable. Je déteste le piment, mais je le sentais à peine. Résultat, 8kg en moins. Ca c’est le coté positif des es. Les derniers temps à 200, j’avais une sensation de jambes glacées. Il fait environ 24 à 26° la nuit à Maurice, je vérifiais avec les mains si mes jambes étaient glacées, non, elles étaient bien chaudes, mais cette sensation de jambes glacées me faisait dormir avec des couvertures autour des jambes + couettes, une torture.
Comme j’avais des vertiges, je ne conduisais plus depuis que j’étais à 60 mg.
Tous et toutes sur le forum m’avaient conseillé de baisser, mais je voulais être brave au combat comme je suis dure à l’ouvrage, je continuais la montée et puis je voulais guérir. Même si je n’en pouvais plus. J’avais eu lors de cette montée quelques signes d’encouragement, de moins de consommation lors de sorties, ou un peu moins de verres à la maison, mais. Je le dis et le redis, ce n’est pas grâce au baclofène que j’ai moins bu, mais à cause des ES qui me tétanisaient et me laissaient comme un chien à la torture.
Cécile étant sortie du forum, je restai en contact avec elle pour la posologie et parce que je suis fidèle en amitié. Elle me dit que j’avais probablement raté la dose seuil vu le stress du boulot, ma fatigue, les ennuis, etc. Commentaire que j’approuvai. Mon mari me disait que j'étais en overdose - j'avais les yeux d'un boxeur - la démarche d'un canard - et je ne comprenais rien à ce qu'on me disait. Heureusement au niveau du labo, ce que je devais faire était automatique donc je m'en sortais coté boulot.
Le 8 octobre, je me remettais à plat suivant le conseil de Cécile. Sur le forum, tout le monde cria au feu ! Me prédirent des crises épileptiques et tout et tout.
Le 8 octobre était un samedi, j’ai enfin bien dormi et le lendemain, je revivais. Descendue de 210 à 30 mg en 1 jour.
Deuxième montée.
Je me disais : « Julie, tu ne peux pas gravir l’Everest en une fois, fais un bivouac, rassembles tes forces, maintenant tu sais ce qui t’attend, tu vas pouvoir monter en toute connaissance. » Entre vous et moi, pour rigoler un peu, suis pas sportive pour un sou. Et je suis prête à grimper l’Everest de manière contemplative et virtuelle avec un livre uniquement et à condition qu’il soit bien écrit.
J’ajoutais 10 mg tous les 3 jours, ce qui m’amena très vite à 8O, sans aucun es, alors que lors de la première montée, j'étais déjà presque KO. Entre temps, un petit tour chez ma doc, je lui demandai un AD et un truc pour dormir. Elle me prescrit du Prothiaden 75 mg et du xanor 0.25 à prendre 3 X par jour. Comprenant qu’elle aurait aimé que je prenne le moins de Xanor possible, j’ai pris uniquement un Xanor le soir, histoire de me détendre et son AD, ma doc m’avait expliqué que cet AD est un vieil anti – dépresseur, mais qu’il aide aussi à dormir. Ah, comme je dors bien. Enfin.
Rassurée et confiante à 80mg puisque pas d'es , je me dis : « bon, si ca va comme ça, je peux monter de 20 en 20 tous les 3 jours. » Cécile était contre, mais j’ai outrepassé ses commentaires ( suis un peu anarchiste) . Quand j’étais à 140, montée encore à 160 en une fois, et patatra : es de fou, perte d’équilibre, impossible de préparer le sacro saint repas familial. Plombée sur le lit – clim à fond, bouffées de chaleurs insupportables. Me suis dit : « bien fait pour ma pomme, Cécile te l’avait dit » Le lendemain, suis redescendue à 150 pour remonter tous les 5 à 6 jours. Es légers, consommation parfois à - 50 %, mais je dirais plutôt moyenne -30%
Aujourd’hui, je suis à 220 en 6 prises et dès le matin puisque je commence les petits rosés de 9h première prise de baclofene à 7h.
Info : j’ai toujours eu une tension parfaite, je suis à 18.
La raison
Lorsque j'ai enfin trouvé votre adresse mail, j'étais dans un doute terrible, découragée et prête à tout abandonner. Puis le week end passé j'ai repris votre livre, relu toute le partie ou vous trouvez le baclofène, vos doutes, votre attente à 180, puis votre montée jusqu'à 270. Imaginant que peut etre je devrais monter très haut dans le dosage et craignant si fort les es. Le corps se protège et se souvient pour lutter contre les es et la mémoire s'en souvient aussi et craint le pire. Paradoxe.
Ma question est : serait il possible qu’il y ait des cas inéligibles pour le baclofène ?
J'ai revu ( avec bcp d'émotions) votre exposé sur le baclofène. Vous dites aucun effet secondaire, ce fait est juste pour vous mais pas pour tous. J'insiste sur ce sujet car j'en ai eu jusqu'a la torture.
Vous vous sentiez immédiatement détendu avec le baclofène, moi je ne reconnaissais plus mes mucles, une sensation de gêne terrible, puis la bouche très sèche au point de ne plus pouvoir parler,des vertiges, je ne pouvais plus descendre l'escalier et refusai de conduire dès 60 mg ensuite les pieds et mains gonflées genre Michelin.
Puis la tête completement explosée, je ne comprenais plus rien à ce qu'on me disait, quand je parvenais à m'endormir, j'avais des hallucinations, des carrés et ronds noirs puis roses dans les yeux fermés. C'était joli, mais je m'en serais bien passée. Puis le bras gauche complétement ankylosé, les nuits, je me reveillais toutes les heures, je tournais dans la maison, puis allais fumer une cigarette sous la varangue.
Ces reveils constants ont duré près de deux mois. Vous dormiez tranquille comme un bébé lors de votre montée du baclofène, moi je ne dormais plus. Vint le dernier es. C'était début octobre à 210, la sensation d'avoir les jambes glacées - il fait environ 26 à 27° la nuit à Maurice. Je touchais mes jambes, elles étaient effectivement chaudes, mais cette sensation de jambes froides m'empechait de dormir - d'heure en heure - je me couvrais les jambes de couvertures, mettais des chaussettes et un long jogging bien chaud la nuit. Sexy la nana !
La dernière nuit - celle du 7 octobre, je n'en pouvais plus de ces tortures dues au baclofène et descendis en un jour de 210 à 30 ( Cécile me l’avait conseillé). Enfin, je reprenais vie et je dormais normalement.
La suite , vous la connaissez, revoir paragraphe précédent ; seconde montée.Il fallait que je vous trouve.
Voilà qui est fait et vous avez eu la gentillesse (comme j’aime la gentillesse et comme c’est important) de me répondre. Beaucoup m’ont dit en mp dans le forum (sans qu’ils sachent que j’étais entrée en contact avec vous) que vous refusiez le fait des es et que vous vous contrefichiez de cet état. Moi je ne pense pas qu’un médecin de votre trempe et ex acloolique qui a de plus écrit un livre sur sa vie alcoolique au risque de n’être plus crédible que de sa guérison, puisse être indifférent aux malades qui n’y arrivent pas à cause des es.
Professeur, lors de ma seconde montée, j'ai eu très peu d'es, mais ceux de la première furent terribles. Je pense qu'il y a bcp de malades alcooliques qui ne peuvent pas guérir à cause de ces es ( on ne va pas faire de cadeaux aux es en leur donnant de la majusucule quand même !) si traumatisants que vous n'avez pas ressentis et c'est tant mieux. <br />Mais que faire pour eux? Comment les aider? Mon exemple de remise à plat est peut être à prendre en compte car on ne peut ignorer ces centaines ou ces milliers de personnes qui ne peuvent guérir à cause de la torture subie par les es et je pèse mes mots.
Y’ a pas un truc, genre périton – facon de causer - qui empeche les es si mal vécus pas des milliers de patiens ? Ne devriez vous pas étudier ce sujet avec votre ami de Beaurepaire ? Je pense que ca vaut le coup, parce que moi je suis presque guérie ( le glas de la victoire sur la maladie va rententir dans peu de temps), je le sens et le constate de par ma consommation qui diminue enfin très fort.
Prof, il faut vraiment que vous créez un protocole différent pour ceux et celles qui ne peuvent pas se soigner vu les es. Vous pourrez me dire : les patients qui souffrent de la chimio acceptent cette souffrance ; Mouais…
Message édité 3 fois, dernière édition par Julie Maurice, 04 Juin 2012, 11:05