Dans la salle d'attente, un homme avec minerve et béquilles.
Nous parlons avec l'amie qui m'a accompagnée de l'angoisse du rendez vous.
Le gars s'en mêle et m'explique qu'avec la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) plus encore qu'avec la maladie, il faut être philosophe: beaucoup de retard, de dossiers jamais complets, de référents injoignables.
Un repère de planqués incompétents et raleurs devant lequel il faut être patient et stoïque termine t'il avec un sourire zen.
Après des mois d'attente, sa conseillère lui a dit de passer ce matin sans rendez vous pour boucler son dossier et il attend depuis 30 minutes.
Une femme en noir, l'air revĂŞche lui annonce que c'est Ă lui dans deux minutes.
En attendant arrive une femme convoquée elle aussi, très remontée qui nous assène que de toutes manière les convocations sont là pour refuser les dossiers et qu'elle ne va pas se laisser faire.
L'ambiance n'est pas vraiment Ă l'esprit philosophe.
la femme en noir et une autre très sèche nous demande nos noms.
Elle me balance que je suis en retard,
what?
Si nous sommes dans le même fuseau horaire, c'est elle qui l'est, je déteste qu'on me reproche une chose dont je ne suis pas coupable.
Ok, pardon, excuses, blablabla.
Du coup, c'est le gars zen qui trinque
"On ne va pas pouvoir vous recevoir monsieur Biiiip, vous n'avez pas rendez vous!"
Et là nous assistons au partage en vrille complet du philosophe en minerve, adieu les bonnes résolutions, ça beugle, ça fulmine, ça menace, ça justifie,
puis soudain, plus personne (le mystère reste entier, un trou noir, dimension parallèle?)
Nous nous regardons en handicapées de faïence. C'est à moi!
3 femmes dont les 2 revêches, une assistante sociale, un medecin et une chargée d'insertion professionnelle.
"Désolée pour l'altercation mais les gens pensent qu'ici c'est un moulin"
-"Le monsieur était pourtant attendu, je comprend qu'il soit énervé"
Le stress me fait respirer comme Dark Vador, bon sang, mais de quoi je me mĂŞle?
Les dames se présentent et attaquent sur mon dossier initial: demande d'AAh pour troubles anxio dépressifs majeurs.
Depuis quand? Quel suivi? Pourquoi? Comment?
Je balance en vrac les TS, les séjours en Hp et clinique, puis la situation actuelle, le certificat de mon medecin suite à l'opération qui stipule entre autre que les gestes de la vie quotidienne me sont difficiles ainsi que les déplacements.
D'un coup, je les vois s'humaniser et regarder mon essoufflement avec compassion.
C'est à qui me propose une aide à la toilette (ça va pas non?) un rajout à la demande initiale pour une carte d'invalidité et un joli macaron pour la voiture que je n'ai pas.
Je fais la blasée mais ça fait un bien fou de ne pas se sentir jaugée et jugée, mon incapacité à me mobiliser pour chercher un job passe comme une lettre à la poste, même mieux quand on connait la poste.
J'ai vraiment eu envie de pleurer devant tant de gentillesse, j'imaginais devoir en rajouter, justifier mon anxiété folle et là elles me disent simplement qu'on va arrêter parce qu'elles voient que je suis fatiguée mais que mon dossier va être âprement défendu en commission en fin de mois.
Elles n'ont pas la main sur la décision finale mais à moins d'une comédie cynique de leur part, je pense que je vais percevoir l'AAH, peut être le complément de revenus et surtout la liberté de ne plus chercher de travail pendant un an au moins.
C'est clair que le cancer est un plus
Amis fatigués des exigences professionnelles et de la vie tout court, ayez la volonté de fumer, buvez, mangez à vous massacrer le corps, avec un peu de chance le crabe vous offrira une chance d'être pris en charge le temps qu'il vous reste.