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GESTION DES RISQUES
Des addictologues et le directeur général de l'ANSM évoquent les enjeux post-AMM pour le baclofène
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Publié le 06/12/18 - 10h10 - HOSPIMEDIA
Des addictologues et le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ont évoqué lors d'un débat les enjeux liés au baclofène, notamment ceux consécutifs à son autorisation de mise sur le marché (AMM). L'idée de centres de recours pour le hors-AMM avec des prescripteurs expérimentés a été lancée par les addictologues.
Lors du 10e congrès français de psychiatrie à Nantes (Loire-Atlantique), un débat a été organisé le 30 novembre sur le cadre juridique du Baclofène dans le traitement de l'alcoolodépendance, "entre enjeux scientifiques et sociétaux". Près d'un mois après l'annonce de l'octroi de l'autorisation (fortement encadrée) de mise sur le marché (AMM) du Baclofène (lire notre article), il a notamment permis à Dominique Martin, directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de commenter cette décision, qui traduit davantage pour l'heure une "vision de santé publique".
Le Pr Michel Reynaud, président du Fonds actions addictions et principal auteur de l'étude Alpadir sur l'efficacité du Baclofène en services d'addictologie spécialisés, a rappelé le contexte très particulier, souvent tendu, qui a précédé cette AMM, au terme d'un parcours de plusieurs années pour les promoteurs de l'utilisation de ce produit dans le traitement de l'alcoolodépendance.
Une AMM dans un contexte très particulier
"En France, très particulièrement, il y a eu une mobilisation militante et médiatique extrêmement forte, violente, avec des prises de position [sur le Baclofène] qui ont rappelé celles des traitements de substitution, où les gens s'injuriaient et se traitaient d'incompétents, si ce n'est d'assassins", a rappelé Michel Reynaud.
Puis, plusieurs études en France et à l'étranger ont été conduites, elles ont intéressé un certain nombre d'acteurs de l'alcoologie, des essais "parfois contradictoires" ont été menés, "la pression juridique et médiatique a augmenté"... Tout cela a conduit l'ANSM à "prendre des stratégies d'évaluation bénéfices/risques un peu particulières", a-t-il poursuivi, avec un comité spécialisé, une commission mixte paritaire, etc., aboutissant à la toute récente décision d'AMM, dont la demande, datant d'avril 2017, n'a été faite qu'en France.
Avant d'entrer dans le vif du débat, le Dr Benjamin Rolland, responsable du service universitaire d'addictologie de Lyon au CH du Vinatier (Bron, Rhône), a passé en revue les principales études françaises et internationales menées sur l'efficacité et la sécurité du baclofène.
Pour conclure que, pour les doses inférieures ou égales à 80 mg/jour (posologie maximale quotidienne prévue pour l'AMM), les données sont plutôt en faveur d'une efficacité faible mais significative sur le maintien d'abstinence et une tolérance correcte.
Pour des doses supérieures à 80 mg/jour, "il n'existe pas de données probantes actuellement sur le maintien d'abstinence" et certaines données en faveur de problèmes de tolérance mais insuffisantes pour conclure. De plus, il n'y a "pas de données publiées en RCT* en faveur d'un effet sur la réduction de la consommation d'alcool". Mais "le manque de données ne veut pas dire inefficacité", a insisté Benjamin Rolland, alors que la question de la limitation des doses journalières, notamment, est un sujet particulièrement sensible.
Une autorisation "précaire"
Rappelant qu'il est "quasiment exceptionnel" qu'une autorisation pour un médicament ne soit accordée que pour la France (et non au niveau européen), Dominique Martin a expliqué que cette décision a été moins fondée sur "des bases scientifiques" que de santé publique, notamment à la suite des auditions des praticiens, addictologues, alcoologues et des associations par la commission mixte paritaire (lire notre article).
"Nous sommes sur un problème de santé publique absolument majeur et ce produit avait déjà une histoire, avec 60 000 utilisateurs du Baclofène dans le cadre de la recommandation temporaire d'utilisation (RTU)", a-t-il développé. Il fallait "tenir compte de cette population encore traitée". Après avoir aussi pris en compte l'ensemble des avis et des études et méta-analyses, l'ANSM a considéré "qu'en l'état, ce qui paraissait le plus raisonnable" était de donner l'AMM, la RTU ne pouvant perdurer.
Il a cependant souligné qu'une fois que l'autorisation est donnée, le parcours n'est pas terminé jusqu'à la mise à disposition auprès des prescripteurs. "Il y a encore quelques obstacles à franchir, et de mon point de vue ce n'est pas gagné", a estimé Dominique Martin.
De plus, comme toute autorisation, cette AMM est susceptible d'évolution, que ce soit vers une éventuelle augmentation de la posologie maximale ou une suspension de l'autorisation, en fonction de nouvelles études ultérieures sur les bénéfices/risques. La situation est donc "extrêmement précaire et qui ne peut pas rester en l'état", a-t-il expliqué.
S'il ne passe rien dans les prochaines années, "probablement que l'avenir de cette AMM est très problématique". L'ANSM va donc demander que des études complémentaires soient faites et le produit sera étroitement surveillé lors de sa commercialisation.
Vers des centres experts pour les hautes doses ?
Parmi les enjeux à venir, Benjamin Rolland a alors cité des éléments du consensus international de Cagliari en Italie publié en novembre 2018 dans la revue Lancet Psychiatry. Comme le fait de privilégier l'approche "dose personnalisée" selon les patients et le besoin de mieux comprendre les facteurs de réponse et doses de réponse.
La nécessaire réalisation d'essais cliniques multicentriques internationaux sur les hautes doses de Baclofène, ainsi que d'études de cohorte pour apprécier la tolérance "en vraie vie" ont également été soulignées. Benjamin Rolland a alors fait un point d'étape rapide sur la progression de l'étude pharmaco-épidémiologique de vigilance Baclophone, lancée en 2016 et promue par le CHU de Lille (Nord), dont il est l'un des rapporteurs.
Enfin, l'un des principaux enjeux reste l'accès aux hautes doses de Baclofène, a-t-il souligné, proposant que l'on puisse imaginer des centres de recours avec des prescripteurs expérimentés, pour une partie des patients.
Une idée que soutient également par Michel Reynaud. "On milite beaucoup dans le milieu addictologique pour créer ces centres pour les prescriptions hors AMM, encadrées, avec des patients surveillés, revus régulièrement et informés des risques", a développé Benjamin Rolland, glissant au directeur général de l'ANSM que si l'agence est amenée à reconsidérer l'autorisation, notamment sur les posologies, "il lui faudra bien des données sur la hautes doses" de Baclofène.
Caroline Cordier
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* Essai randomisé contrôlé ou comparatif (ERC) - Randomized controlled trial (RCT) en anglais.
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