Coucou Isago,
Je retrouve notre histoire Ă mon compagnon et Ă moi dans votre histoire.
Il y a un an et demi, le déni de sa part était total : je ne suis pas alcoolique, je peux arrêter quand je le veux.
Et pourtant il en a perdu des choses à cause de cet alcool : travail, familles (oui, oui, au pluriel tu as bien lu), amitiés, respect des autres et de soi-même, etc.
De mon côté, j'étais co-dépendante (et encore maintenant un peu d'ailleurs).
J'ai menacé de le quitter -> sans effet
Je me suis fâchée -> sans effet
Je lui ai raconté ce qu'il avait fait ou dit sous l'emprise de l'alcool -> sans effet
Il a tenté d'arrêter de boire tout seul -> il buvait en cachette et niait avoir bu, même si surpris un verre de wisky à la main.
Je lui ai dit que je l'aimais et que je souhaitais passer ma vie à ses côtés, mais qu'il avait une maladie, l'alcoolisme, que cela n'était pas juste une question de volonté pour arrêter (on ne demande pas à un cancéreux d'arrêter son cancer) et que ses rechutes étaient normales, que je n'en étais pas fâchée, des rechutes, mais décues de son manque de confiance en moi, décue par ses mensonges.
Là , cela a commencé à faire son chemin....
Puis j'ai trouvé ce site et le baclo, alors qu'il se débattait avec de l'antabuse (Espéral) pour arrêter de boire, sans espoir de pouvoir reboire juste un verre un jour.
J'ai bcp lu dans ce forum, j'ai posé des questions, j'ai lu le livre du Dr Ameisen et en le lisant, je lui en ai lu des passages choisis. Des passages parlant de la difficulté de cesser de boire tout seul, des passages reconnaissants le status de maladie et non pas de honte à cet alcoolisme, les passages parlant d'espoir, puis ceux parlant de succès.
Au début il comptait sur moi pour son traitement et petit à petit je le laisse gérer lui-même, à sa demande.
Il est passé du stade du déni complet au stade de l'enfant qui crie "aide-moi!" à l'adolescent qui trépigne en bougonnant "je suis grand, laisse-moi gérer". J'attends le stade adulte, mais je le vois qui pointe le bout de son nez
Mon compagnon avait honte, honte de ce qu'il considérait comme un manque de volonté de sa part, une faiblesse honnie. Il n'avait pas suffisamment confiance en mon amour pour admettre que je l'aimerai même avec ce "manque de volonté".
Du moment où il a intégré le fait que c'était une maladie, simplement, et que la volonté n'était pas placée au bon endroit (il en faut de la volonté pour admettre son status de malade, puis pour dirigier sa guérison), il a accepté l'idée de se soigner.
Mon compagnon, comme tout bon français, a été éduqué en ayant l'alcool comme convive à toute rencontre amicale, toute discussion entre "potes", toute célébration, alors pour lui de concevoir ne plus JAMAIS boire un verre était aussi un frein énorme.
Le baclofène règle tout cela, petit à petit, avec l'augmentation des doses, mais cela règle néanmoins ces débordements.
Après 3 semaines sous baclo, mon homme continue à boire, parfois bcp trop, mais les moments d'alcoolisation forte sont de plus en plus rares et de moins en moins profonds.
La seule chose qu'il faut suivre, c'est le traitement, et en tant que compagne, accompagner et soutenir, accepter, même si c'est dur, les "beuveries" en se rappelant que des jours meilleurs arrivent. C'est rageant, c'est dur, de voir le temps qui passe et les améliorations qui viennent lentement, mais je m'arrête sur le fait qu'elles viennent alors qu'avant ces améliorations n'existaient pas, tout simplement.
De vivre avec un malade de la dépendance à l'alcool nous force à apprendre bcp sur nous-mêmes, sur nos limites, sur nos capacités, et surtout sur notre amour et notre souplesse (capacité?) à changer à 180° notre façon de concevoir l'aloolisme et d'apporter cette façon de voir autour de nous.
Ne nous leurrons pas, nous sommes entre le marteau et l'enclume : d'un côté celui/celle que nous aimons se détruit, de l'autre on nous reproche d'aimer une personne qui se détruit, ça c'est la réalité de tous les jours dans notre société.
C'était la même réalité pour les malades de la siphilis ou même du sida jusqu'à récemment; l'alcoolisme n'est pas une maladie différente, socialement que ces deux autres, juste qu'elle n'est pas encore acceptée comme telle dans l'esprit des gens, donc de ton homme non plus.
Une fois que TOI tu es persuadée qu'il s'agit d'une maladie, tu vas agir, subtilement et sans t'en rendre compte, différemment à son égard, non plus comme une victime vis à vis de son bourreau, mais comme une personne aimante agirait vis à vis d'un être cher, atteint d'une maladie grave.
Ce retournement, il le sentira; ce n'est qu'à ce moment-là qu'il se mettra, lui aussi, à croire, à admettre qu'il s'agit juste d'une maladie. Juste ? Oui, juste, car une maladie étant admise par la société, il est plus facile de l'admettre soi-même et de se soigner. Non ?